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l'angélus, les bêlements des troupeaux au sortir des villages,
les chants des bergers, les aboiements des chiens : l'Arménie
s'éveille pour retourner dans ses fertiles campagnes aux tra–
vaux de chaque jour.
Mais voilà que le soleil sourit de sa face joyeuse aux travail–
leurs levés avant l'aube, chasse les voiles du brouillard, bleuit
les fumées légères qui planent au-dessus des villages et
répand ses effluves de chaleur. Des femmes vêtues de bleu ou
de rouge, une amphore posée sur la tête ou sur l'épaule,
sortent en babillant de leur demeure de terre jaune, alors que
les hommes, coiffés d'un lourd bonnet de peau de mouton,
suivant la mode des Tartares, vont et viennent, mènent les
chevaux à l'abreuvoir, conduisent les bœufs au labour. Ils
chantent, insouciants du réveil de la nature, disent des refrains
d'amour ou de vieilles légendes conservées par les trouvères,
et n'accordent même pas un regard à ce géant qui majestueu–
sement se dresse au delà de la plaine, objet d'admiration pour
le voyageur, mais que le campagnard a toujours vu depuis le
jour de sa naissance, qu'il ne remarque plus.
L'Ararat ('), dont la cime se dresse dans la nue en un
immense cône régulier, domine de plus de 4-°oo mètres (
2
)
les eaux de l'Araxe. Ses flancs arides, brûlés, sillonnés de
coulées de laves, s'abaissera en pentes rapides couvertes de
scories croulantes et de débris de bombes volcaniques. Aucun
contrefort, aucune montagne accessoire, venant masquer la
base du géant, ne nuit à sa grandeur. I l se dresse isolé,
semblant avoir surgi d'un seul coup des entrailles de la terre,
par l'effort d'une volonté toute-puissante. Près de lui se tient
le Petit Ararat qui, en dépit de sa grande taille ('), produit
l'effet que ferait un enfant arrêté près de son père, attentif à
ses ordres. Vingt kilomètres environ, comptés à vol d'oiseau,
séparent le sommet du Grand Ararat du ht de l'Araxe; aussi
la montagne semble-t-elle écraser de tout son poids la vallée
d'Erivan ; spectacle unique, sinon dans l'univers, du moins
dans l'Ancien Monde; car le Mont-Blanc (•*), le Kazbek (*), le
Pémavend (
6
),
l'Everest (
7
)
et presque tous les plus hauts
sommets de nos régions s'élevant sur des bases colossales,
environnés de pics importants, perdent ainsi pour les yeux du
spectateur beaucoup de leur majesté. Seull'Elbourz (
8
),
vu des
steppes de la Russie, se montre dans toute sa magnificence,
bien que reposant sur un énorme piédestal.
Au sud de l'Arménie, dans la chaîne kurde, bordière de
l'Iran, s'élèvent de nombreux sommets dont l'altitude varie
(
i ) Alt.
5.
i6o
mètres.
(5)
Alt.
5.
o43
mètres.
h)
Exactement
4.3
io
mètres.
(6)
Alt.
6.080
mètres.
(3)
Alt.
4.
o3o
mètres.
(7
J
Alt.
8.84
o
mètres.
(4)
Alt.
4.810
mètres.
(8)
Alt.
5.647
mètres.
CHAP.
I
Fonds A.R.A.M