XXV*
ment égorgés, j'ai décidé de quitter la brillante situation de
professeur
de langue et littérature
arméniennes
et
françaises que j'avais à Constantinople et de venir consacrer
toutes mes forces à la propagande pour la cause armé–
nienne. Il
y
avait un devoir patriotique à remplir, pour
lequel il fallait sacrifier pour quelque temps la tâche pure–
ment littéraire, d'autant plus que, au moment où les Turcs
massacraient férocement des milliers d'Arméniens,
certains
journaux européens, gagnés par le gouvernement
turc,
publiaient des articles où ils montraient des
révolutionnai–
res arméniens massacrant les malheureux Turcs: LE PETIT
JOURNAL, qui était à ce moment le journal le plus répandu
de Paris publiait un dessin représentant des anarchistes
arméniens chargés de revolvers et de bombes, attendant à la
porte d'une mosquée pour attaquer les Turcs à leur sortie.
Cette déformation atroce de la vérité m'indigna profondé–
ment. Avant de quitter Constantinople pour Paris, j'ai
envoyé par l'intermédiaire
de Pierre Quillard, qui devait
devenir plus tard un des grands défenseurs de la cause armé–
nienne, des lettres à Henry Baùer, à Roche fort et à Mme
Séverine, qui répondirent à mon appel et publièrent des arti–
cles défendant les Arméniens et protestant contre les massa–
cres organisés par le gouvernement turc. Ce succès m'encou–
ragea encore plus fortement à réaliser mon projet de venir à
Paris consacrer toutes mes forces à la propagande armé–
nienne».
Ce jeune homme de vingt-trois ans qui en décembre 1895
vient se fixer dans ce Paris qu'il aime tant, va désormais
vouer son existence à la défense de sa nation et à l'illustra–
tion de sa culture. Par des conférences, des articles, des
brochures et des livres, i l s'efforce de faire connaître au
monde civilisé le traitement barbare que subissent les
Arméniens persécutés et massacrés dans l'Empire otto–
man. I l est convaincu que si en Europe on connaissait la
culture arménienne on ne tolérerait pas de telles infamies.
Aussi s'emploie-t-il à révéler à l'opinion française la gran–
deur de la civilisation arménienne. Son premier ouvrage,
publié à Paris, est un recueil de traductions de lettres écri–
tes par des témoins oculaires des affreuses boucheries
ordonnées par le sultan sanguinaire. Précédé d'une viru–
lente préface de Clemenceau, cet ouvrage a contribué à
PRESENTATION
Fonds A.R.A.M