XV*
Et lorsque les opérations se déclenchent en Orient, i l
pense à ces pays qu'il a tant de fois parcourus et dans plu–
sieurs cas, purement et simplement découverts. «Toutes les
cartes du sud de la Perse, où l'on se bat en ce moment, sont
de moi...» écrit-il.
Il pense aussi à ces populations, à ces civilisations du
passé, aux nations qu'un historique et cruel destin affronte
à chaque conflit. La grandeur et le martyre de ces peuples,
il veut les rappeler à l'opinion publique. De sa retraite
pyrénéenne i l adresse au quotidien de Montpellier des arti–
cles sur la guerre en Orient, propose à des revues nationa–
les des études plus substantielles sur les problèmes sou–
levés. I l est, de fait, l'homme qui connait le mieux les êtres
et les choses de ce coin du monde.
C'est ainsi que Gustave Schlumberger pensera à Jacques
de Morgan lorsque Tchobanian cherchera un érudit capa–
ble d'écrire l'Histoire de son peuple... Mais à partir de ce
point c'est M. Edmond Khayadjian qui doit prendre la
plume.
Grâce à l'enchaînement de deux générosités: la sienne et
celle de M. Cyrille Vachon-France, nos contemporains — et
en particulier les nombreux arméniens de la diaspora —
vont pouvoir connaître l'Histoire plusieurs fois millénaire
d'un grand peuple et, avec le passé restitué, l'honneur
d'une nation. Car s'il existe de nos jours une Arménie russe
devenue l'une des Républiques Socialistes Soviétiques,
l'autre partie du territoire ancestral a perdu son nom,
absorbée sous un autre pouvoir. C'est de cette Arménie que
Tchobanian et ses amis rêvaient de rétablir l'existence
indépendante: les hautes terres de l'Hayastan au climat
rude, les lacs que dominent de loin les plus de 5.000 mè t r e s
de l'Ararat, la montagne massive où s'échoua, disent les
légendes, l'Arche de Noé après le déluge...
Dans l'esprit de Jacques de Morgan, était peut-être la
nostalgie de ces paysages grandioses, l'admiration d'un
peuple dont i l avait contribué à rétablir la filiation loin–
taine, d'une communau t é chrétienne confrontée à l'Islam
comme elle avait été antérieurement confrontée aux
grands envahisseurs et conquérants du passé.
I l y avait surtout le souci de l'Homme. I l est frappant, en
effet, de constater à quel point, peu à peu, les recherches de
Jacques de Morgan menées dans les domaines les plus
PRÊFACF
Fonds A.R.A.M