90
L ' A R M É N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
blanc et rouge \ drapé dans les longs plis d'une robe de pourpre,
la tête coiffée d'un h a u t caftan étoile »
2
.
L'Arménie propre était-elle déjà, comme le v eu t Théodore
Reinach, divisée, en
stratégies
?
I l est v r a i qu'au temps de Pline
(4- 79
A . D.) on comptera jusqu'à 120 de ces circonscriptions
administratives, mais Ad o n t z fait remarquer que Strabon
(
v. 58 av. J.-C. — 25 A . D.) ne fait pas men t i on des
stratégies;
la création en serait donc postérieure à Tigrane et elles ne date–
raient que du premier Arsacide d'Arménie, Tiridate
3
.
A u con–
traire, selon Ma r q u a r t , ce serait bien Tigrane q u i aurait institué
les quatre vice-rois des marches-frontières appelés
bdéachkh,
bidhachkh
ou
bdèchkh
4
.
A cette charge étaient joints de grands
fiefs dans la région
5
.
Nous connaissons le nom d ' un de ces
gouverneurs de marche, Mégadatès que Tigrane chargea de
l'administration de la Syrie
6
.
Gouvernement heureux : au témoi–
gnage de Ju s t i n , les quelque quatorze ans du régime arménien en
Syrie furent caractérisés par une tranquillité q u i contraste avec
les agitations désordonnées des derniers règnes séleucides I
«
L a Syrie respira. Pendant ces quatorze ans elle connut, avec
l ' h um i l i a t i o n d'une d omi na t i on étrangère, la paix, la sécurité
et la prospérité
8
. »
Quelle était la place de la culture grecque dans l'empire et à
la cour de Tigrane ? Son épouse, Cléopâtre, fille de Mithridate
Eupa t o r , se mo n t r a i t , comme M i t h r i d a t e lui-même, éprise de
civilisation hellénique. Elle a t t i r a i t en Arménie des artistes et
des hommes de lettres grecs, n o t amme n t le rhéteur athénien
Amphicratès et l'historien Métrodore de Scepsis q u i écrivit une
vie de Tigrane. Elle fit à l'un et à l'autre de magnifiques obsèques
9
.
L a meilleure preuve d u goût que la cour de Tigranocerta mon–
t r a i t pour l'hellénisme nous est fournie par Plutarque : quand
Lucullus s'emparera de la ville, i l y trouvera une compagnie
d'acteurs venus pour y jouer des tragédies grecques
1 0
.
Les
jeunes princes de la famille de Tigrane étaient d'ailleurs élevés
1.
D I O N C A S S I U S , X X X V I ,
5 2 .
2.
V o y e z aussi l a t i a r e r o y a l e sur les m o n n a i e s de T i g r a n e
ap.
D E MORGAN,
Numismatique
orientale,
p. 1 9 2 .
3.
T h . R E I N A C H ,
Mithridate,
p. 3 4 3 . A D O N T Z ,
Le Servage,
p. 1 4 1 .
4.
M A R Q U A R T ,
Eranschahr,
I , p. 1 6 5 et sq. Sur l'étymologie iranienne de
ce t i t r e , v o i r A . P A G L I A R O ,
Rivista
degli studi orientali,
X I I , p. 1 6 0 sqq. et
C H R I S T E N S E N ,
L'Iran
sous les Sassanides,
1 9 3 6 ,
p. 9 6 , n . 6 , e t p . 5 2 2 .
5.
Cf. C H R I S T E N S E N ,
L'Iran
sous les Sassanides,
p. 2 0 .
6.
A P P I E N ,
Sur.,
4 8 .
7.
I g i t u r accitus i n r e g n u m S y r i a e per X et V I I I annos (lisez : X et IV
annos) t r a n q u i l l i s s i m o regno p o t i t u s est ; neque bello a l i u m lacessere neque
lacessitus inferre a l i i b e l l u m necesse h a b u i t » ( J U S T I N , X L , i , 4 ) .
8 .
T h . R E I N A C H ,
Mithridate,
p. 3 1 2 .
9.
P L U T A R Q U E ,
Lucullus,
2 2 .
S T R A B O N , X I I I , 1 , 5.
Scol. Apoll.
Rhod.,
IV,
1 3 3
(
Fragm.
hist. graec,
I I I , 2 0 4
b,
n» 1 ) .
1 0 .
P L U T A R Q U E ,
Lucullus,
2 9 .
Fonds A.R.A.M