L ' A R M É N I E A L ' É P O Q U E H E L L É N I S T I Q U E
9 1
à la grecque. Son fils, le f u t u r r o i d'Arménie Ar t ava zde I I I , devint
même, en grec, un écrivain distingué
1
.
L'empire de Tigrane, arménien de substrat, pa t i c i p a i t donc
(
j
e s
deux grandes cultures du temps. Si l'appareil de la royauté
et l'organisation féodale du pays étaient a u t a n t de legs du régime
achéménide, l'hellénisme, d'autant plus agissant que la Syrie
séleucide était désormais incorporée à l'empire, commençait à
gagner la famille royale et la cour.
Quant à l'armée, elle était devenue la plus imposante peut être
de l'Orient. De caractère féodal comme l'empire lui-même, le
noyau en était formé par le ban et l'arrière-ban des barons ou
mégistanes
2
.
C'est dans cette noblesse que se recrutaient les
fameux
cataphradaires,
bardés d'écaillés de fer, eux et leurs
montures. Les Albaniens du Caucase fournissaient aussi à l'armée
du conquérant arménien de ces cuirassiers, tandis que de l'Ibérie
(
Géorgie) venaient des lanciers à cheval également réputés. A
l'est, le r o i d'Atropatène (Azerbaïdjan) q u i était le gendre de
Tigrane, p o uv a i t me t t r e à sa disposition 40.000 fantassins et
10.000
cavaliers
3
.
Les Gordyens ou Kur de s l i v r a i e n t leurs
troupes de montagne, les Arabes leurs goums d'éclaireurs, sans
parler des mercenaires grecs q u i fournissaient, bien entendu, des
contingents excellents et surtout des cadres au reste de l'armée.
L'ensemble des effectifs aurait a t t e i n t 500.000 hommes. E n f i n le
trésor de guerre était renfermé dans les forteresses d'Olané et de
Babyrsa, aux environs d ' A r t a x a t a , dans la partie la plus inac–
cessible de la Ha u t e Arménie
4
.
L'empire constitué par Tigrane le Grand était-il viable ? On
l'a nié parce q u ' i l n'a pas vécu. Qu ' i l nous soit permis de faire
remarquer cependant q u ' i l n'était pas sans corresponde à la
nature des choses. Géographiquement parlant, le massif arménien
est fait pour dominer les vallées mésopotamiennes, pour sur–
veiller la Hau t e Syrie, la Djéziré, le Ku r d i s t a n et l'Azerbaidjan.
Par ailleurs, dans la crise de l'hellénisme séleucide politiquement
défaillant, Tigrane, au témoignage de Ju s t i n , se mo n t r a i t pour les
communautés grecques de Syrie et de Mésopotamie un t u t e u r
bienveillant q u i ne demandait qu'à s'helléniser lui-même. S'il
n'apportait pas à ce philhellénisme les habiletés, la virtuosité
de son beau-père M i t h r i d a t e Eupa t o r , i l ne se mo n t r a i t pas non
plus le despote sanguinaire que nous connaissons chez M i t h r i d a t e
et dont, aux mauvais jours, les Grecs les plus « mi t h r i d a t i s an t s »
devaient avoir t a n t à redouter. Comme le remarque Théodore
Reinach, par ailleurs si sévère pour l ' Ar t a x i a d e , « i l n'est guère
1.
P L U T A R Q U E ,
Crassus,
33.
2.
Cf. T A C I T E ,
Ann.,
X V , 2 7 . F R O N T I N , I I ,9, 5.
3.
A P O L L O N I D È S , ap. S T R A B O N , X I , 13, 2.
4.
S T R A B O N , X I , 14,
6.
Fonds A.R.A.M