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L E S P R E M I E R S S I È C L E S D U « H A Y A S T A N ))
Le r o i arménien se reconnaît t r i b u t a i r e de Cyrus, après quoi I
e
conquérant achéménide pacifie le pays en prononçant u n a r b i "
trage entre les Arméniens et les « Khaldes », les premiers, comme
on l ' a v u , en possession des vallées, et les seconds réfugiés dans
la montagne. Sur la demande de Cyrus, le r o i d'Arménie permet
aux Khaldes de cultiver les terres en friche soi s condition de
payer les t r i b u t s et redevances d'usage. De leur côté les Khaldes
s'engagent à ne pas empêcher les Arménk ns de faire paître leur
bétail dans les montagnes, sous condition des contre-redevances
légitimes. En f i n Cyrus assure cette
pax persica
en construisant
des forteresses en pays arménien.
E n dépit du caractère romanesque du contexte, i l y a peut-
être là, comme nous le disions, l'écho de faits authentiques
recueillis un siècle et demi plus t a r d par Xénophon lors de sa
traversée de l'Arménie.
Quoi q u ' i l en soit, ici se pose un curieux problème. Les Armé–
niens, on le sait, se qualifient eux-mêmes de
Haï
;
l'Arménie, en
arménien, est le
Hayastan.
Le héros éponyme q u i , dans les
légendes nationales, a c ondu i t le peuple arménien à la conquête
de la future Arménie, s'appelle
Haïk
l
.
Or les Perses et les Grecs
ignorent la racine
Haï
et n ' on t jamais désigné les « Arméniens »
que par la racine
Armin,
Armen.
L a première mention épigra-
phique nous en est fournie par l'inscription de Darius
I
e r
à
Béhistoun (post 518) q u i mentionne le pays et ses habitants
sous les noms
d'Armina
et
Arminiya
2
.
De son côté, le vieil
historien grec Hécatée de Mi l e t connaît déjà les
Armenioi
3
.
Certes, i l est assez fréquent q u ' u n peuple soit connu des étran–
gers par une autre désignation que celle q u ' i l s'applique à l u i -
même : les Grecs, q u i ne se sont jamais désignés eux-mêmes que
sous les noms d'Achéens et d'Hellènes, n ' on t été connus d u monde
r oma i n que par cette désignation de
Grœci.
Mais en ce q u i con–
cerne les Arméniens, on discerne ma l les origines de l'appellation
à eux ainsi donnée par les étrangers. L e regretté Ad o n t z , après
plusieurs autres savants, s'est demandé s'il ne faudrait pas faire
remonter cette appellation au v i eux r o i naïrien Aramé, fondateur,
comme nous l'avons v u , de l a dynastie d ' Ou r a r t o u et q u i serait
ainsi devenu un héros éponyme légué par les derniers Ourartiens
à leurs vainqueurs thraco-phrygiens. De fait, les Arméniens ont
intégré Aramé à leur histoire et Moïse de Khorèn en f a i t le
sixième successeur de Haïk
4
.
Toutefois i l est à signaler que dans
1 .
M O Ï S E D E K H O R È N ,
Hist. Arm.,
1.
I , ch. x - x i , t r a d . L a n g l o i s ( 1 8 6 9 ) , p . 4 7
et sq. J E A N K A T H O L I K O S , t r t d . S a i n t - M a r t i n ( 1 8 4 1 ) . ch. v m , p. 1 0 .
2.
M A S P E R O , I I I ,p. 6 8 7 . Cf. B A R T H O L O M A E
Altiranisches
Wàrterbi-ch,
p.
1 9 7 .
3.
M U L L E R ,
Fragm.
Hist.
Graec,
I , p . 1 3 .
4.
M O Ï S E D E K H O R È N , 1. I ,c h . X I I - X V I I . Cf. A D O N T Z ,
Emprunts
de haute
époque en arménien,
dans
Revue des études indo-européennes,
t,
1 ,
1938,
fasc,
2-4,
p, 467.
Fonds A.R.A.M