L E S
P R E M I E R S S I È C L E S D U « H A Y A S T A N »
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péenne, mais les tendances nouvelles q u i s'y f o n t j o u r sont dues
à ce que c'est de l'indo-européen employé par une p o p u l a t i o n
qui a changé de langue et don t le parler antérieur était d u c au -
casique méridional * » Formule intéressante pour le linguiste,
mais sans doute t r o p tranchante pour l'historien, car elle semble
oublier q u ' i l y a eu au v n
e
siècle a v an t J.-C. i mm i g r a t i o n massive
des tribus arméno-phrygiennes de la Ph r y g i e dans la future
Arménie. Les phénomènes linguistiques signalés par Deeters et
Meillet p r ouv en t seulement que les conquérants de souche
haïkane on t imposé leur langue aux indigènes de l ' Ou r a r t o u e
+
que l'arménien classique porte la trace de cette fusion de peuples
2
.
L'Arménie sous la domination
achéménide
Tandis que les Arméniens procédaient à l ' o c cupa t i on p r o –
gressive de la f u t u r e Arménie, le pays était englobé dans l ' em–
pire mède (612-549) auquel allait succéder l'empire perse aché–
ménide (549-330). A i n s i , dès leur établissement en Arménie, les
Arméniens se t r o uv a i e n t en contact avec la race iranienne à
laquelle appartenaient Mèdes et Perses. Mi e u x encore : ils se
trouvaient, d'emblée et pour trois siècles, vassaux des empires
iraniens. C'est là une circonstance q u i allait influer profondément
sur leur développement culturel, d'autant que Mèdes et Perses se
présentaient à eux en héritiers de la brillante civilisation maté–
rielle de l'Assyrie. L a culture iranienne jouera à l'égard ,de
l'Arménie le même rôle que la c uiture grecque par r a p p o r t à
Rome, que là c u l t u r e romaine par r app o r t à la Gaule.
Des circonstances dans lesquelles Mèdes et Perses imposèrent
leur suzeraineté ou leur d omi na t i on à l'Arménie, nous ne savons
pratiquement rien. Dans son roman de la
Cyropédie
Xénophon
sait seulement que les Mèdes on t v a i n c u un r o i d'Arménie et l u i
ont imposé leur suzeraineté, — i l confond i c i le r o i des Mèdes
Cyaxare (633-584) avec son fils Astyage (584-555),
—
puis i l
nous montre le conquérant perse Cyrus (557-529) t r i omp h a n t ,
à son t o u r , des Arméniens, mais se laissant fléchir par le fils d u
«
roi d'Arménie » — ce r o i s'appelle assez curieusem n t Tigrane,
ce qui semble conférer quelque vraisemblance au récit ou t o u t
au moins nous permettre d'y discerner l'écho de faits positifs.
1.
M E I L L E T ,
Ibid.,
p. 312.
2.
Q u a n t a u x e m p r u n t s de v o c a b u l a i r e , on sait que les linguistes o n t c o u –
tume de ne l e u r a t t r i b u e r q u ' u n e m o i n d r e i m p o r t a n c e . « Que, p a r e x e mp l e ,
un m o t c o mm e l'arménien
otchkhar
«
m o u t o n » soit u n m o t caucasique, que
le m o t indo-européen
owis
n ' a pas f a i t disparaître, est évident », m a i s
Maillet, q u i est le p r e m i e r à en c o n v e n i r , se refuse à suivre M a r r sur cette
voie (Cf. M E I L L E T ,
Revue des Études Arméniennes,
t . 8 , 1 , 1 9 2 8 , p. 255). D ' a u t r e
part, p o u r t o u t ce q u i t o u c h e i c i à la q u e s t i o n a n t h r o p o l o g i q u e , je ne p u i s
que renvoyer à l a b i b l i o g r a p h i e de M . R. K H É R U M I A N ,
Introduction
à l'anthro–
pologie du Caucase.
Les Arméniens,
8
°, 298 p . , P a r i s , G e u t h n e r , 1 9 4 3 .
Fonds A.R.A.M