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L E S
P R E M I E R S S I È C L E S D U « H A Y A S T A N D>
comme i l arrive toujours en pareil cas, de ma r que r de leur
empreinte le génie de cette langue. Meillet, — d on t on connaît la
prudence en ces matières — , ne doute pas « que l'arménien porte
dans sa structure, t a n t phonétique que • morphologique, une
forte influence caucasique ». I l discerne dans l'arménien, à partir
de l'indo-européen c ommun , « de grandes modifications de sons,
n o t amme n t des pertes de consonnes, de nombreuses disparitions
de syllabes, un glissement analogue à celui du germanique »,
toutes mu t a t i o n s q u i s'accompagnent de « ressemblances de sons
et de grammaire avec le géorgien et les autres langues pré–
aryennes du Caucase ». « L a direction, concluait-il, dans laquelle
a évolué sur le sol arménien la morphologie indo-européenne, est
t ou t e particulière et due sans doute à ce que l'arménien est, dans
une large mesure, un parler indo-européen adopté par des popu–
lations de langue caucasique
1
. »
L a comparaison méthodique poursuivie par Gerhard Deeters
entre l'arménien et le groupe caucasique d u Sud est, à cet
égard, convaincante
2
.
Dans le domaine phonétique, Deeters
mo n t r e , par exemple, la concordance d u système des occlusives.
«
L a fixité des sourdes aspirées en face de l'instabilité des sourdes
simples et des sonores est frappante. E t pour expliquer la mu t a –
t i o n consonantique de l'arménien, on ne peu t éviter de supposer
une tendance vers un système d'occlusives différent du système
indo-européen. Puisque ce système coïncide exactement avec
le système géorgien, l'hypothèse l a plus naturelle est d'admettre
une tendance héritée par la population caucasique q u i a accepté
le parler indo-européen de l'aristocratie conquérante.... En
somme, le phonétisme arménien concorde avec le phonétisme
caucasique du Sud, et la façon d on t le phonétisme indo–
européen s'est altéré pour devenir le phonétisme arménien
s'explique par u n substrat caucasique. L a morphologie v i e n t
compléter la preuve de ce substrat. L'arménien a éliminé la
distinction des genres g r amma t i c aux : i l n ' y en a pas en cauca–
sique méridional. L'arménien a conservé, malgré des conditions
phonétiques non favorables, la distinction de presque tous les
cas indo-européens : or, le géorgien et le mingrélien on t des cas
multiples.... Dans u n dernier chapitre, Deeters mo n t r e que les
formes de redoublement don t l'arménien f a i t g r and usage et
qui diffèrent beaucoup des types indo-européens, coïncident
avec les formes caucasiques d u Sud
3
. »
E t Meillet de conclure une fois encore de l'examen des faits
présentés par Deeters : « L'arménien est une langue indo-euro-
1
M E I L L E T ,
Revue des Études Arméniennes.
t . 1 , 4,. 1921, p. 456 (à propos de
M a r q u a r t ,
Die Entstehung
und Wiederherstellung
der armenischen
Nation).
2.
G e r h a r d
D E E T E R S ,
Armenisch
und Sildkaukasisch.
Ein
Beitrag
zur
Frage der Sprachmischung.
dans
Caucasica,
3-4,
Asia
Major,
L e i p z i g , 1927.
3.
M E I L L E T ,
Revue des Études Arméniennes,
t . 7, 2, 1927, p. 310-312.
Fonds A.R.A.M