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L E P R E M I E R S S I È C L E S D U « H A Y A S T A N
»
province située dans la région de l'actuel Gandja *. A j ou t ons les
courses des Cimmériens q u i , bien a v a n t d'aller détruire en Asie
Mineure l'empire phrygien, avaient commencé par infliger un
désastre au r o i d ' Ou r a r t ou Rousa I
e r
(
antérieurement à 713).
Si par la suite, à p a r t i r de 678, Rousa I I a v a i t réussi à détourner
le péril cimmérien contre l'Assyrie en prenant à sa solde la
redoutable horde, le passage de tous ces nomades avec leur
cavalerie et leurs chariots n'en a v a i t pas moins ruiné le pays.
A u f ond l'Assyrie et l ' Ou r a r t o u , après avoir l ' u n et l'autre
résisté à tous leurs adversaires, aux nations d u v i eux monde
civilisé de leur temps, sortaient tous deux épuisés du tour–
billonnement des nomades indo-européens sur leurs frontières.
Cet épuisement explique leur chute coup sur coup, l'effondre–
me n t de l'Assyrie d'abord sous les coups des Mèdes (612), de
l ' Ou r a r t o u ensuite sous les coups des premiers Arméniens (entre
612
et 585 environ). Remarquons que, dans les deux cas, i l
s'agit de l'effondrement de v i e u x empires civilisés devant les
forces jeunes sorties de la famille indo-européenne
2
.
E s t - i l possible d'imaginer l'itinéraire suivi par les premiers
Arméniens pour envahir l ' Ou r a r t o u ? L e regretté Ad o n t z l'a
tenté en se référant à un passage de Strabon, lui-même emprunté
aux anciens historiens grecs Kyrsilos et Medios : « Tandis qu'une
partie des forces d'Arménos (héros éponyme, par ailleurs inconnu)
prenaient possession de l'Akilisène, laquelle dépendait p r imi t i v e –
me n t du territoire de la Sophène, le reste a v a i t occupé la Syspi-
r i t i d e jusqu'à la Kalakhène et à l'Adiabène
3
. »
E n d'autres
termes, les immi g r an t s arméniens seraient arrivés d'Anatolie
en Arménie en partie au nord-ouest pa r le pays d ' Er z i nd j an , en
partie au sud-ouest par le Sassoun et l'Adiabène ou région
d'Arbèles, dans le nord de l'ancienne Assyrie. Selon la remarque
d ' Ad o n t z , i l est en effet vraisemblable que daus ie chaos qui
s u i v i t en 612 la chute de N. n i v e et a v an t que les « États succes–
seurs » — Médie et Néo-Babylonie — se fussent consolidés, des
tribus en mi g r a t i o n comme les ancêtres des Arméniens aient pu
sans difficulté traverser ou longer au nord le territoire de l'an–
cienne Assyrie dépeuplée et ruinée pour aller prendre l'Ourartou
à revers du côté du Sud, comme elles l'assaillaient de f r o n t par
1. «
Les Sacas, écrit S t r a b o n , p r i r e n t possession d u c a n t o n le plus fertile
de l'Arménie, l e q u e l a m ê m e r e t e n u en s o u v e n i r de l e u r o c c u p a t i o n le nom
de Sacasène » ( S T B A B O N , 1. X I , c h . v i n , § 4). O n sait que
Saka
(
ou (
aka)
est
le n o m que les Scythes, dans leur dialecte i r a n i e n , se d o n n a i e n t à eux-mêmes
et que leur d o n n a i e n t les autres I n d o - I r a n i e n s ( H É R O E O T B , V I I , 64).
2.
Meillet pense avec M a r q u a r t que « l a r u i n e de l'État d ' O u r a r t o u et la
prise de possession d u pays p a r les A r mé n i e n s , c'est-à-dire p a r l a n a t i o n qui
a apporté l a langue indo-européenne d i t e arménienne, sont l a conséquence
de l ' e x t e n s i o n de l ' e m p i r e mè d e » ( M E I B B E T ,
Revue des Études
Arméniennes,
t . 1 , 4, 1921, p. 456-457).
3.
S T R A B O N ,
h
X I , ch, xiv,
§ 1 2 .
Fonds A.R.A.M