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L ' A R M É N I E
P R É A R M É N I E N N E
Contrairement aux cités assyriennes, bâties en briques, les
villes ourartiennes étaient construites en pierre, avec des tours
d'enceinte cyclopéennes. Les descriptions et reliefs assyriens
nous laissent entrevoir dans les temples et palais de l'Ourartou
un a r t inspiré de l ' a r t mésopotamien, avec statues de pierre et
vaisselle d'or, d'argent et de bronze. Les fouilles nous on t livré
des débris de boucliers v o t i f s d'or, d'argent ou de bronze ornés
de dragons, de lions ou d'urus
1
d'une facture assez nettement
assyrienne
2
.
Quan t à l'outillage, si le fer est employé pou r les
haches, les ma r t e aux et les socs de charrue, le bronze domine
encore pour les ustensiles ménagers. L a poterie, très abondam–
me n t représentée dans les fouilles de Toprak-qalé, nous intéresse
particulièrement en dépit de son caractère pur emen t utilitaire,
parce que, selon la remarque d ' Ad o n t z , « elle ne diiïère en rien
de la poterie fabriquée a u j o u r d ' h u i encore en Arménie »
3
.
I l serait évidemment exagéré de parler d ' un « a r t ourartien ».
Les quelques œuvres d ' a r t parvenues jusqu'à nous, comme les
boucliefs de Toprak-qalé que nous citions t o u t à l'heure, révèlent
une influence assyrienne directe. I l en va de même dans le domaine
littéraire où les Ourartiens on t emprunté au monde assyro-
babylonien l'écriture cunéiforme, ainsi, semble-t-il, que le type
même de leurs inscriptions. Néanmoins i l n'est pas douteux
que ces éléments culturels, l ' Ou r a r t o u les a v a i t adaptés à son
génie propre. I l a v a i t pris de la civilisation matérielle de l'Assyro-
Babylonie ce q u ' i l l u i a v a i t fallu pour assurer au nord sa supé–
riorité sur les districts de l ' Ar a x e et d u Sévan, pour assurer au
sud sa propre défense contre l'Assyrie elle-même. Lorsque, après
trois cents ans d'éclat (900-600), l ' Ou r a r t o u succomba devant
les ancêtres des Arméniens historiques, i l a v a i t r emp l i sa double
mission : arrêter au pied d u Taurus arménien l a conquête assy–
rienne — puisqu'en dépit d u r a i d de Sargon, i l a v a i t conservé sa
pleine indépendance —-, et unifier le pays en rassemblant, depuis
le Taurus arménien j u s qu ' au lac T c ha l d i r , depuis le Dersim
j u s qu ' au lac Sévan, cent t r i b u s disparates, désormais réunies
dans le cadre d'une vie politique et culturelle commune. Ce
cadre historique q u i devait être celui de l'Arménie indo-euro–
péenne, l ' Ou r a r t o u allait le léguer à celle-ci. I l allait l u i léguer en
même temps le substrat de sa civilisation matérielle. Cette
découverte d'un substrat ourartien est peut-être aussi impor–
t an t e pou r l'intelligence de l'histoire arménienne que celle du
substrat susien pour l'histoire perse, d u substrat mi no en pour
l'histoire grecque, du substrat étrusque pour l'histoire romaine
4
.
1 .
Cf. M A S P E R O ,
Histoire
ancienne des peuples de l'Orient classique,
t .
I I I .
p . 56.
2 .
B o u c l i e r d bronze d u B r i t i s h Mu s é um , p r o v e n a n t de l a colline de
Toprak-qalé a u n o r d de V a n , ap. L Y N C H ,
Armenia,
t . I I , p . 6 2 .
3 .
A D O N T Z , p. 2 4 6 .
4.
Cf. A D O N T Z ,
Emprunts
de haute époque
en arménien,
dans
Revue des
études
indo-européennes,
t . 1 , 1 9 3 8 , fasc. 2 - 4 , p . 4 5 7 - 4 6 7 . A u s s i le recueil des
articles de M A R R , M o s c o u - L e n i n g r a d , 1 9 2 6 , p . 2 1 2 sqq.
Fonds A.R.A.M