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P R I N C I P A T D E S B A G R A T I D E S
coup t r o p puissants au gré du khalife. Après les avoir favorisés
la politique arabe, suivant son habituel j eu de bascule, revenait
au clan bagratide. Puis l'exemple des Ama t o u n i passés en terre
byzantine p r o u v a i t l ' a t t r a c t i o n que la cour de Constantinople
exerçait toujours sur le monde arménien, en particulier sur les
nakhararq
du Nord-Ouest. L'élévation d ' Acho t Msaker tendit à
neutraliser cette influence.
L a troisième raison q u i guida le choix de Hâroûn ar-Rachîd
doit être recherchée dans l'insubordination croissante que mon–
t r a i e n t à l'égard du gouvernement de Baghdad les chefs arabes
ou persans q u i s'étaient approprié de considérables parties de
la terre arménienne. E n 792-793 le Persan 'Atâ al-Moqanna
s'étant révolté à la tête de ses compatriotes, s'était rendu maître
de la région deBa r daa et de Beïlakan, au conflu n t de l'Araxeet
de la K.oura. I l t u a le préfet arabe du fisc, Ab o u Sabbâh
l
.
L ' o r d r e ne f u t rétabli que par un des gouverneurs suivants,
Yazîd ibn-Maziyad ach-Chaïbânî (dont c'était le second gouver–
nement en Arménie)
2
.
D ' a u t r e p a r t l'émir arabe Djahap, fonda–
teur de la dynastie des Qaïsites, s'était, on l ' a v u , emparé
en 772 de l ' Ar c ha r o un i q où i l a v a i t consolidé son pouvoir en
épousant une princesse mami kon i enne
3
et le momen t n'allait
pas tarder à venir où i l mo n t r e r a i t son insubordination à l'égard
des autorités khalifales ".
Contre cette insubordination latente des émirs q u i tendaient
déjà à l'hérédité, comme contre les accroissements trop rapides
des A r d z r o u n i au Vaspourakan, le khalife Hâroûn ar-Rachîd
se résigna donc en 806 à nommer Ac ho t Msaker prince d'Arménie.
Certes, i l était loin de se douter q u ' i l amorçait ainsi la création
d'une nouvelle dynastie arménienne et que cette maison des
Bagratides à laquelle i l venait de rendre le principat, le conser–
v e r a i t continûment de 806 à 1045 et même jusqu'en 1064, non
sans avoir, en 885, échangé la tiare princière pour la couronne
royale enfin rétablie. Combien de
nakhararq
mamikoniens ou
bagratides avaient déjà été investis du p r i n c i p a t par le roi de
Perse ou par le khalife sans que les cours de Ctésiphon, de Damas
ou de Baghdad aient eu à en prendre ombrage, le
primus inter
pares
ainsi choisi par les
nakhararq
p ouvan t être aussi facilement
révoqué que choisi ! E n réalité, les temps commençaient à
changer. Dans le k h a l i f a t abbâsside comme à la même époque en
Europe dans l'empire carolingien, la tendance de la société allait
vers l'hérédité des charges, et les Bagratides en Arménie allaient
profiter de cette évolution, comme en profiteront les émirs
1.
Y A ' Q O U B I ,
Histoire,
I I , p. 515 sqq. Cf. M A R Q U A R T ,
Streifzùge,
p. 454.
L A U R E N T , p. 3 4 2 , n° 4 3 .
2.
Mêmes sources.
3.
V A R D A N , ap. M A R Q U A R T ,
Streifzùge,
p. 4 0 3 - 4 0 4 .
4.
Cf. L A U R E N T , p. 3 § 2 sqq.
Fonds A.R.A.M