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L ' A R M É N I E E T L ' H É G É M O N I E
A R A B E
faisait une chaleur suffocante, « la plaine rocheuse était com
n
une fournaise ». Des épidémies éclatèrent dans l'armée et Tadj
en f u t une des victimes (entre 782 et 785). L a maison des Antz
vatsi perdit pour t ou j ou r s son éphémère hégémonie.
Martyre des princes Ardzrouni
(785)
Le khalife al-Hâdî (785-786) envoya pour gouverner l'Ar-
ménie un certain Khozaïma ibn-Khâzim sur lequel nous recueil-
Ions des opinions contradictoires suivant la nationalité des
chroniqueurs. Pour Ya'qoûbî, i l ma i n t i n t l'ordre ; le pays
sous son a dmi n i s t r a t i o n , f u t florissant et les habitants recon–
nurent sa loyauté
l
.
Pour Lévond, ce f u t un démon (« i l avait
une physionomie infernale ») q u i se signala par ses cruautés. En
venant prendre possession de ses fonctions à Dw i n , ville qui, on
s'en souvient, était la résidence des gouverneurs arabes de l'Ar–
ménie, i l f u t reçu par tous les
nakhararq
q u i , suivant le proto–
c o l e en usage chez les grands vassaux, s'étaient portés à sa ren–
contre. A u nombre de ces seigneurs figuraient les trois princes
ardzrouniens, Hamazasp, Sahak et Méroujan ou Mehroujan.
Que se passa-t-il alors ? Lévond nous d i t que Khozaïma « frappé
de la belle apparence de ces trois
nakhararq,
ainsi que de la
superbe tenue de leurs troupes, les jeta en prison où ils passèrent
trois ans chargés de chaînes »
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(
v. 785-788). Nous avons vu
que la bataille d u Bagrévand en 772 a v a i t eu comme conséquence
indirecte, et t o u t en affaiblissant la p l u p a r t des maisons fépdales
arméniennes, d'accroître la puissance des seuls princes Ardzrouni.
Khozaïma chercha évidemment à parachever l'œuvre de ses
prédécesseurs en a b a t t a n t aussi cette vivace dynastie et en
annexant le Va s p ou r akan . A u b o u t de trois ans de captivité,
les trois A r d z r o u n i furent condamnés à choisir entre l'apostasie
et la mo r t . De ux d'entre eux, Sahak et Hamazasp, subirent le
ma r t y r e sans chanceler dans leur foi. « L ' i n s t r ume n t de torture se
composait de deux pièces de bois fourchues plantées en terre,
les fourches en haut. L e patient était mis au milieu et, après lui
avoir solidement attaché les bras au bois, on faisait entrer les
fourches dans ses aisselles. » Puis v i n t une flagellation à coups de
nerfs de bœuf, poursuivie jusqu'à ce que le corps parût « voler en
morceaux ». Après avoir subi ces tourments sans laisser échapper
un mu rmu r e , les deux ma r t y r s furent décapités. (Le récit de
Lévond, écrivain contemporain, sur l ' a t t i t u d e de Sahak cloue
au gibet et flagellé, est particulièrement émouvant : « I l priait
1.
Y A ' Q O Û B Î , I I , 515sqq., dans M A R Q U A R T ,
Streijzilge,
p. 453. Cf. LAURENT,
p. 341.
2.
L É V O N D , p.
156.
3.
L A U R E N T , p. 168, n. 6.
Fonds A.R.A.M