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L A G É O G R A P H I E D E L ' A R M É N I E E T
L ' H I S T O I R E
volcan et du lac. L a fabrication de la terre arable continue
d'ailleurs sous nos y eux dans les vastes marais appelés
sazlouk
q u i se rencontrent n o t amme n t au n o r d d ' Er z e r oum, sur le cours
supérieur du Qara-sou ou Euph r a t e occidental. Ce sont là les
derniers témoins des immenses marécages préhistoriques qui
déposèrent au fond des vallées « cet humus noir, si riche en
débris organiques, capable de porter chaque année sans fumure
de plantureuses moissons ».
Richesse agricole et pastorale des provinces du Nord-Ouest
Les géographes divisent les zones de culture ainsi constituées
en deux catégories, selon la l a t i t ud e : zone du Nord-Ouest, zone
du Sud et de l ' Es t .
A u Nord-Ouest s'étendent de hautes plaines, très froides, très
rudes de climat, de végétation, a-t-on d i t non sans quelque exagé–
r a t i o n , « quasi-polaire » : le bassin d ' Er z e r oum (ou au nord
d'Erzeroum) et celui d u Baséan sont respectivement à 1.800 et
1.600
mètres d'altitude. I l s'agit donc de hautes steppes selon
la définition des régions mongoles. A Er z e r oum l'hiver dure
sept mois, l'été se révèle brûlant, les t r a v a u x agricoles ne peuvent
commencer qu'en a v r i l . A Ka r s le f r o i d peut atteindre — 40°.
Déjà Xénophon dans son
Anabase
a v a i t f a i t des observations
de cet ordre. Pendant sa traversée de l'Arménie occidentale entre
l ' Eu p h r a t e oriental (notre Mourad-tchaï) et ce q u ' i l appelle
«
le Phase », c'est-à-dire i c i les sources de l ' A r a x e , donc entre la
région de Mo u c h et celle d ' Er z e r oum, i l a v a i t noté que le climat
obligeait les populations à recourir au t r o g l ody t i sme h i v e r n a l
1
.
L a pratique s'en perpétue de nos j our s encore et jusque dans le
No r d - E s t puisque, au t ou r du lac Sévan, les paysans f o n t hiverner
leurs t r oupeaux dans des étables et des bergeries souterraines.
Si nous ajoutons que la neige peut tenir h u i t mois tandis que
la pluie est rare et que, de ce f a i t , le pays est à peu près complète–
men t privé d'arbres, mais que, d'autre part, en raison de la
l a t i t ud e , les étés sont torrides, nous aurons achevé de dresser
k tableau des analogies entre le c l ima t arménien et celui de l'Asie
Centrale, avec les conséquences botaniques q u i en découlent.
C'est, d i t de ces hautes plaines arméniennes du Nord-Ouest le
géographe R. Blanchard, « une zone de steppes à
stipa
où les
graminées dominent, et aussi d'arbustes épineux asiatiques,
continuant vers l'Ouest la flore de l ' I r a n et s'élevant sans
i n t e r r u p t i o n j u s qu ' aux maigres plantes alpines des hauts pla–
teaux du B ngôl ».
U n pays de cette nature aurait p u , comme la Mongolie, rester
1.
Anabase,
1.
I V , c h . v , § 25.
Fonds A.R.A.M