L A G É O G R A P H I E D E L ' A R M É N I E E T L ' H I S T O I R E
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voué à la vie nomade. Comment, malgré son aspect parfois si
inhospitalier, les sédentaires (et c'est toute l'histoire de la race
arménienne) s'y sont-ils fixés et y ont-ils à ce p o i n t prospéré ?
C'est que, comme nous l'annoncions plus haut, le sol arable est
ici admirablement fertile. « L a décomposition des éléments v o l –
caniques, leur mélange avec les sédiments tendres du Miocène et
du Pliocène on t formé des glèbes superbes, de vraies
terres noires
(
analogues au
tchernoziom
de l ' Uk r a i n e ) de culture aisée et rému–
nératrice. » L a chaleur torride de l'été amenant la fonte de
l'épaisse couche de neige, l'abondance des eaux v i e n t décupler
la richesse du sol. No n seulement ces « steppes arméniennes » se
révèlent de parfaites terres à céréales, mais sur le flanc des
volcans les céréales mo n t e n t parfois jusqu'à 2.500 mètres. Le
blé, le seigle, l'orge sont i c i chez eux. Certains districts, bénéfi–
ciant d'étés chauds et humides, connaissent même le maïs et
parfois le r i z . Comme en Scandinavie et au Canada la rapidité
de la germination dans l'Arménie septentrionale compense la
brièveté des beaux jours. Là aussi « on entend croître le blé ».
I l ne f au t donc pas s'étonner de l'intensité de la vie agricole
dans ces antiques provinces d'Eké/éatz (le bassin d ' Er z i nd j n ,
l'ancienne Erèz, notre Erzenka arménienne), de K a r i n (le bassin
d'Erzeroum) et de Baséan (cours supérieur de l ' Ar a x e , près de
sa source, à l'est d'Erzeroum). Xénophon, dans le passage pré–
cité, mo n t r a i t déjà que la rigueur du climat n'est pas un obstacle
à la prospérité rurale : richesse en bétail, en orge et en blé, rien
ne manqua i t aux fermes troglodytes q u ' i l nous décrit
1
.
Mais les voyageurs q u i rendent hommage à une telle richesse
agricole, insistent en même temps sur le caractère rude de ces
highlands,
sur ces étendues sans arbres, sur « ces plaines nues,
fermées par des pentes également nues», se déroulant en paysages
d'une sévérité poignante. Cette austérité du paysage et du cli–
ma t , jointe à la richesse d ' un sol prédestiné à l'agriculture, a
déterminé à bien des égards le caractère même de la race armé–
nienne, race de paysans dont la ténacité a ma i n t e nu pendant
t a n t de siècles un labour européen aux avancées de la steppe
asiatique.
Supériorité des bassins du Sud et de l'Est
Les bassins du Sud et de l ' Es t sont généralement moins
froids. Si même les neiges q u i couvrent les sommets dans le
Ku r d i s t a n comme dans le Taurus arménien, persistent en été,
i l y a à cela t o u t bénéfice, les ruisseaux q u i assurent l'arrosage des
plantations continuant ainsi leur débit pendant la saison sèche.
1.
Anabase,
1.
I V , ch. \, § 25-27.
Fonds A.R.A.M