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L E P RO T E C T OR A T ROMAIN
Naturellement les Grecs d'abord, puis les Romains, quand i]
s
étendirent leur protectorat sur l'Arménie, ne manquèrent pas
selon leur coutume, d'assimiler les dieux arméniens à ceux de
leur propre panthéon. Ce fut ainsi que, si l'on se réfère aux donnée
d'Agathange et de Moïse de Khorèn, « le Zeus Olympien fut placé
dans le temple d'Aramazd à An i , tandis qu'Athènè fraternisait
avec Nané dans le temple de T i l , qu'Artémis partageait avec
Anahit le sanctuaire d'Erèz et qu'Héphaistos ne se trouvait pas
incommodé de rencontrer le dieu Mihr dans le sanctuaire qu'on
lui réserva à Bagaridj »
1
,
De même, Tir fut identifié à Apollon
et parfois à Hermès
2
.
Les rapports étroit entre la cour des Césars
et les cadets arsacides d'Arménie depuis le traité de Rhandeia
ne pouvaient qu'accélérer l'action de ce syncrétisme. En revanche,
les divinités, en majeure partie d'origine iranienne, ainsi rap–
prochées du panthéon gréco-romain, s'éloignaient à proportion
de leur physionomie traditionnelle. Elles avaient été empruntées
par l'Arménie au panthéon iranien, principalement à l'époque
parthe, avant que le zoroastrisme officiel s'imposât à l'Iran dans
la personne de la dynastie sassanide. Pour l'orthodoxie sassanide,
elles représentaient donc le « paganisme iranien » que la réforme
zoroastrienne, désormais triomphante en Perse, ne pouvait que
réprouver.
Meillet insiste en effet sur le caractère proprement parthe des
divinités iraniennes passées dans le panthéon arménien. « C'est
à l'époque parthe qu'ont été faits les emprunts de l'Arménie à la
religion iranienne. Les cultes dont Agathange et les autres anciens
historiens arméniens attestent l'existence sont ceux qui ont
pénétré dans
VAvesta,
mais qui sont étrangers au fond du zoroas–
trisme proprement dit. Les cultes d'Aramazd, d'Anahit sa fille
et de Vahagn son fils, de Mihr sont sûrement ceux des Parthes
3
. »
La légende du serpent fabuleux ou dragon
Vichap
(
aujourd'hui
Ouchab),
devenu dans le folklore arménien « l'appellation géné–
rique de tout un groupe d'êtres diaboliques », est également
d'origine parthe
4
.
Tel était, en ses principaux traits, le paganisme arménien,
lorsque la prédication chrétienne commença à l'ébranler
5
.
1.
MACLER,
Trois conférences,
1 9 2 7 ,
p. 5 5 . La m ê m e racine se retrouve
dans
Bagavan,
«
bourg de Baga (ou de Mihr),
Bagayaritch,
«
lieu du culte de
Baga », etc. Cf. MARQUART,
Le berceau des Arméniens,
dans
Revue des
Études Arméniennes,
t.
8,
1, 1 9 2 8 ,
p. 2 1 8 .
2.
MOÏSE DE K H O R È N , I I , ch. x n (p. 8 6 ) , ch. x i v (p. 8 8 ) , et ch. X L I X (p. 105).
3.
M E I L L E T ,
Revue des Études Arméniennes,
t. 6 , 1. 1 9 2 6 , p. 3 7 .
4.
B E NV E N I S T E ,
L'origine
du vichap arménien,
dans
Revue des Études
Arméniennes,
t.
7,
1, 1 9 2 7 ,
p. 7-9.
5.
Voir pour l'ensemble de la question A N A N I K I A N ,
Armenian
Mythology,
Boston, 1 9 2 5 . Comparer WESENDONCK,
Ueber georgisches Heidentum,
dans
les
Caucasica
de A . D I R R , fasc. I , Asia Major, 1 9 2 4 .
Fonds A.R.A.M