L ' A RM É N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
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triumvir aurait en abondance toutes les provisions nécessaires
à
s
on armée, provisions que l u i fournirait le roi lui-même.
L'armée romaine s'avancerait ainsi en sécurité dans un pays
couvert par des montagnes et des hauteurs continues et sur un
terrain incommode pour la cavalerie qui faisait toute la force
des Parthes
1
. »
Crassus remercia Artavazde, mais rejeta son
plan pour se rallier à celui de chefs arabes, notamment d'Abgar I I ,
dynaste d'Edesse, qui lui conseillèrent de marcher sur les capi–
tales parthes, Séleucie-Ctésiphon, à travers les solitudes de la
Djéziré. Pendant ce temps, le roi parthe Orodès I
e r
se vengeait
d'Artavazde en ravageant l'Arménie. Artavazde envoya des
courriers prévenir Crassus de cette diversion qui empêchait
l'armée arménienne de se joindre aux légions romaines. I l
avertissait en même temps le triumvir de la tactique parthe, en
l'engageant à éviter les plaines de la Djéziré, trop propices aux
évolutions de la cavalerie arsacide
2
.
Non seulement Crassus ne
tint aucun compte de ces sages avis, mais encore i l considéra
l'absence des Arméniens comme une défection et déclara qu'après
la victoire sur l'armée parthe i l ne manquerait pas d'aller les
châtier chez eux.
On sait ce qu'il advint de tant d'aveuglement. Le 28 mai 53
l'armée romaine fut écrasé par les Parthes près de Carrhes
(
Harrân) et le 1
e r
juin Crassus fut t ué à son tour au milieu du
désastre des siens.
Cette catastrophe arrêta net l'avance romaine vers l'Orient.
L'Euphrate marqua pour longtemps la frontière entre l'empire
romain et l'empire parthe. Quant à Artavazde dont la bonne
volonté avait été évidente, i l n'avait pas dépendu de lui que la
campagne eût une tout autre issue. Du moins sut-il à temps pour
sa couronne et son pays opérer l'évolution diplomatique néces–
saire. I l le fit en fiançant sa sœur avec Pacoros, fils du roi parthe
Orodès
3
.
A l'occasion de ce mariage, dit Plutarque, Artavazde
et Orodès « se donnaient réciproquement des fêtes et des banquets
au cours desquels on récitait ordinairement des poésies grecques»,
nouvelle preuve de l'hellénisation croissante de la cour d'Artaxata.
Ce fut pendant une de ces représentations, tandis qu'on donnait
les
Bacchantes
d'Euripide, que fut apportée devant Orodès la
tête de l'infortuné Crassus
4
.
Le désastre de Carrhes obligea donc Artavazde à entrer dans
l'alliance parthe. I l dut même joindre ses contingents aux troupes
parthes pour des incursions dans la province romaine de Syrie
(42-40).
Néanmoins, dès qu'avec le triumvir Antoine Rome
1.
PLUTARQUE,
Crassus,
1 4 .
2.
PLUTARQUE,
Crassus,
21-22.
D I O N , 4 0 , 162.
3.
PLUTARQUE,
Crassus,
3 3 .
4.
Ibid.,
dernier chapitre.
Fonds A.R.A.M