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L ' A RMÉ N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
doute, une hellénisation encore beaucoup moins avancée, avec
I
surtout, une persistance achéménisante beaucoup plus marquée,
Ce que les historiens et moralistes gréco-romains ont critiqué
dans Tigrane, c'est moins l'homme lui-même que le « grand roi »
iranien, successeur des Darius et des Artaxerxès et ayant gardé
leur faste, leur pompe, leur appareil monarchique. Reconnaissons
que le contraste avec les hommes d ' É t a t romains était, à cet
égard, frappant. Mais ce qu'il faut considérer ici, c'est la culture
du milieu, cet « achéménisme » posthume qui, à défaut de l'hellé–
nisme, restait visiblement, comme le prouve l'onomastique
royale elle-même, la culture de la cour et des classas dirigeantes
en général. Quant aux historiens modernes, ils ne manquent
pas d'opposer aux folles entreprises de Mithridate Eupator
l'attitude plus réservée, mais aussi plus mesurée et sage de Tigrane.
De fait, le roi du Pont fut incontestablement une des personna–
lités les plus dynamiques de son temps. Seulement, à ce
perdit son royaume et, à brève échéance, ruina sa dynastie, tandis
que Tigrane, moins « spectaculaire » sans doute, laissa une œuvre
immortelle : l'Arménie. Ajoutons que, dansle domaine proprement
arménien, Mithridate fut le mauvais génie de Tigrane et que ce
fut précisément pour s'être désolidarisé de ce dangereux allié que
le monarque artaxiade acheva de mériter le nom de Grand.
Artavazde III, Crassus et Antoine
Après être entré dans la clientèle romaine, Tigrane régna
encore une dizaine d'années. I l mourut vers 56-54 av. J.-C,
âgé de plus de quatre-vingts ans. I l avait associé au trône son
fils, Artavazde I I I , qui régna après lui de 56 à 30 avant J.-C.
Nous possédons de belles monnaies d'Artavazde coiffé de la
tiare et qui y prend le titre de
basileus basileôn
1
.
Par ailleurs,
on l'a vu, i l devint en grec un écrivain distingué. « I l faisait des
tragédies et écrivait des discours et des histoires dont une partie,
dit Plutarque, a été conservée jusqu'à nos jours
2
. »
I l se montra
fidèle à l'orientation nouvelle imprimée par son père à la poli–
tique arménienne, c'est-à-dire fidèle à l'amitié romaine. Ce fut
ainsi qu'en l'an 53, lors de la malheureuse expédition du triumvir
Crassus contre les Parthes, i l donna à ce dernier les plus utiles
conseils. Crassus se trouvait encore dans le nord de la Syrie
lorsque Artavazde se rendit auprès de l u i avec 6.000 cavaliers.
«
I l promit, dit Plutarque, 10.000 cavaliers tout armés et 30.000
fantassins qui se nourriraient aux frais de leur pays, mais il
conseillait à Crassus d'envahir la Parthie par l'Arménie où le
1.
B A B E L O N ,
Les rois de Syrie, d'Arménie
et de Commagène,
1890,
p. 215,
pl. X X I X , flg. 16. MORGAN,
Numismatique
orientale,
p. 193,
PLUTARQUE,
Crassus,
33,
Fonds A.R.A.M