L ' A RMÉ N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
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de chaînes et confia la Sophèneau roi de Cappadoce Ariobarzane
1
.
Le roi des Parthes ayant protesté contre le traitement ainsi infligé
à son gendre, Pompée, sèchement, lui fit répondre que le sort
de ce dernier relevait d'abord de son propre père, le roi d'Arménie.
Réponse ironique qui, d'un trait, déboutait les Parthes de leurs
prétentions à la suzeraineté de ce pays. Par ailleurs, selon la
remarque de Carcopino, la générosité de Pompée envers le vieux
monarque était de la meilleure politique : « Rome s'était attaché
en Tigrane un vassal qui tiendrait les Parthes en respect » (fin de
l'automne 66). Pompée acheva d'établir l'hégémonie romaine
de ce côté en allant en Transcaucasie battre les Albaniens de la
basse Koura (hiver de 66), puis les Ibères de l'actuelle Géorgie
(
printemps de 65)
2
.
Enfin, comme les Parthes disputaient à
Tigrane le Grand la province de Gordyène, Pompée, prenant très
au sérieux la défense de son nouvel ami, chargea son lieutenant
Afranius d'occuper pour le compte du vieux roi la province
contestée.
Ainsi l'accord conclu entre Pompée et Tigrane le Grand,
l'accord d'Artaxata, commençait déjà à porter ses fruits. L ' Ar –
ménie entrait dans la clientèle de Rome et, en y entrant, elle
tournait le dos à l'Iran parthe, puisque, aussi bien, c'était contre
les Parthes que, des deux côtés, l'accord d'Artaxata avait été
conclu. Elle devenait le bastion de la défense romaine contre
la poussée parthe, comme l'alliance de Rome la garantissait
contre cette poussée.,Ainsi était sauvegardé l'essentiel de l'œuvre
de Tigrane le Grand qui avait commencé son règne en s'affran-
chissant de l'envahissante suzeraineté arsacide. Surtout et à
l'heure où la Syrie était réduite en province romaine, l'unité
arménienne était, dans l'ensemble, maintenue et consolidée.
Comme nous l'annoncions plus haut, le rêve d'un empire armé–
nien étendu de la frontière palestinienne à la frontière mède
disparaissait sans retour, mais, en revanche, l'Arménie unitaire
sortait victorieuse de l'épreuve, son entité nationale et son
autonomie culturelle étant désormais garanties par son entrée
même dans la clientèle romaine.
En somme, le gouvernement de Tigrane ne se solda nullement
par le total échec que veulent y voir certains historiens. Les
vicissitudes du règne sont évidentes, mais tiennent bien davantage
au milieu qu'à l'homme lui-même. Le milieu est le milieu gréco-
oriental de toutes les cours anatoliennes du temps, avec, sans
1.
APPIEN,
Mithridate,
105.
2.
D I O N CASSIUS, X X X V I , 45 ; X X X V I I , 1-3. PLUTARQUE,
Pompée,
34.
Les Albaniens, ancêtres des Aghouans médiévaux, formaient une grande
nation qui occupait les pays entre la mer Caspienne et ITora, dans l'actuel
Kaketh, et qui s'étendait de Derbend aux bouches de la Koura et de l'Araxe.
Au haut moyen âge les incursions des Turcs Khazar devaient les refouler
vers le sud et au v i
e
siècle le siège patriarcal des Aghouans chrétiens sera
transféré à Barda. Cf. BROSSET,
Histoire de la Siounie,
I I , p. 137, n. 2.
Fonds A.R.A.M