L ' A RMÉ N I E A L ' É P O Q U E H E L L É N I S T I Q U E
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abreuvoirs rebutait les bêtes, les bivouacs dans la boue exténuaient
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hommes. » On évoque ici le récit de Xénophon sur les souf–
frances endurées par les Di x Mille pendant l'hiver de 401, en
traversant ces mêmes contrées. Mais les Di x Mille, on s'en sou–
vient, n'avaient eu affaire qu ' à une guérilla locale et dans l'en–
semble ils avaient bénéficié de la bienveillance des paysans armé–
niens. Ici au contraire, tout le pays était debout contre les légions
romaines. Tigrane et Mithridate continuaient à les harceler, et
Artaxata restait encore lo
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n.
Dans ces conditions, les légions menacèrent de se mutiner.
Lucullus dut se résigner à battre en retraite vers la Mygdonie
où il se vengea de son échec en prenant enfin, comme on l'a vu,
la place de Nisibe (automne 68). La campagne n'en avait pas
moins échoué. La terre arménienne avait chassé l'envahisseur.
Et maintenant c'était au tour de Tigrane de prendre l'offensive.
Le monarque arménien réoccupa plusieurs districts au nord du
Tigre et faillit faire capituler la division romaine de L . Fannius
qui ne fut sauvé que de justesse par Lucullus en personne. En
même temps Mithridate Eupator, à la tête de 8.000 hommes,
dont 4.000 Arméniens à lui confiés par Tigrane, entreprenait de
reconquérir sur les Romains son royaume du Pont et, en quelques
mois, en chassait les lieutenants de Lucullus (automne 68-prin-
temps 67). Enfin le roi d'Atropatène, vassal et gendre de Tigrane,
envahissait la Cappadoce avec sa cavalerie et y donnait la chasse
aux garnisons romaines A l'été de 67, une partie de la Cappa–
doce se trouva ainsi de nouveau aux mains de Tigrane.
Orientation nouvelle de l'Arménie :
Tigrane le Grand allié des Romains.
L'alliance de Tigrane le Grand et de Mithridate Eupator
semblait plus solide que jamais lorsqu'une série de drames de
famille vint la compromettre.
De son épouse préférée, Cléopâtre fille de Mithridate, Tigrane
avait eu trois fils. Or, tous trois conspirèrent contre leur père.
L'aîné, Zariadrès, de concert avec quelques
mégistans
arméniens,
se révolta et périt, les armes à la main. Le second profita d'une
chute de cheval de son père, accident qu'il crut mortel, pour
ceindre la couronne sans même se préoccuper de savoir si le
vieillard avait réellement expiré. Le troisième, Tigrane le Jeune,
voyant son père engagé contre les Romains au cœur de la Cappa–
doce, se révolta à son tour. Le vieux roi le vainquit et le força à
s'enfuir. Tigrane le Jeune se réfugia alors chez le roi parthe
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D I O N , X X X V I , 16- 2.
Fonds A.R.A.M