L ' A RMÉ N I E A L ' É P O Q U E
H E L L É N I S T I Q U E
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c
e conflit une entière neutralité lorsqu'il reçut un envoyé romain
chargé de lui demander l'extradition de Mithridate, démarche
d'autant plus menaçante que cet envoyé, Appius Claudius, était
le propre beau-frère du général romain Lucullus, le conquérant
même du royaume pontique.
Tigrane se trouvait alors en Phénicie méridionale où i l sou–
mettait les dernières places qui tinssent encore pour les Séleu-
cides. H invita Appius Claudius à l'attendre à Antioche.
L'ambassadeur romain profita de ce séjour pour nouer des
intelligences avec divers dynastes vassaux de l'Arménie, notam–
ment avec le roi de Gordyène Zarbiénos. En Syrie même Claudius
travailla à exciter contre Tigrane les villes grecques dont le
sentiment d'indépendance ne se pliait que difficilement à la
pompe asiatique, au protocole oriental de la cour arménienne.
Tigrane étant enfin revenu de Phénicie à Antioche, Claudius lui
remit de la part de Lucullus un véritable ultimatum lui enjoignant
de livrer Mithridate.
Tigrane avait tout fait pour éviter la guerre. Sa décision de
tenir éloigné de sa cour Mithridate fugitif témoignait assez de
son désir. Mais i l ne pouvait, sans déshonneur, livrer son beau-
père. I l refusa l'extradition demandée. Au reste, Lucullus sem–
blait l'acculer à une telle décision, puisque les lettres du général
romain ne le qualifiaient que de roi en lui refusant le titre de
«
roi des rois », c'est-à-dire en refusant implicitement de recon–
naître les conquêtes et le principe, même de l'empire arménien
(
hiver 71-70)
1
.
La guerre était dès lors inévitable. Tigrane châtia ceux de ses
vassaux dont i l avait surpris les tractations avec Lucullus. Ce fut.
ainsi qu'il mit à mort le roi de Gordyène dont i l fit occuper toutes
les forteresses, Saréïsa, Satala, Pinaca, etc.
2
.
Au printemps de
69
il eut avec Mithridate des conférences pour la préparation des
opérations : tandis que ce dernier irait reconquérir le Pont,
l'armée arménienne pénétrerait en Asie Mineure par la Lycaonie.
Mais ils furent devancés par Lucullus. Avec une audace inouïe, le
général romain, ne se faisant suivre que de 18.000 légionnaires
et de 3.000 cavaliers, prit brusquement l'offensive
3
.
Avec
l'aide du roi de Cappadoce Ariobarzane, i l arriva par la Mélitène,
franchit l'Euphrate à hauteur de Tomisa qu'il emporta, puis,
traversant la Sophène du nord-ouest au sud-est, marcha droit
sur la capitale arménienne, Tigranocerta
4
.
1-
PLUTARQUE,
Lucullus,
X X I , x x m ,
2.
2.
Ibid.,
X X I X . Cf. STRABON. X V I , 1, 2 4 .
3.
PLUTARQUE, X X I V , rectifié par Th. R E I N A C H ,
Mithridate,
p. 3 5 8 .
4.
Sur les campagnes de Lucullus et de Pompée en Arménie, cf. H E N -
DERSON,
Controversies in Armenian topography,
dans le
Journal of philology,
\- 28,
1903,
p. 9 8 - 1 1 2 et 271-286. E C K H A R D T ,
Die armenischen Feldzuge
des
Lucullus,
dans
Klio,
I X , 1 9 0 9 , p. 4 0 0 - 4 1 2 , et X , p. 1 9 2 - 2 3 1
.
GuSE
,
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e
Feld-
Fonds A.R.A.M