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Ces patriotes convaincus constataient person–
nellement, sur place, en pleine Arménie turque,
les horreurs du régime ottoman ; ils assistaient
au drame le plus effrayant et le plus mons–
trueux ; ils voyaient, de leurs yeux, la torture
la plus cruelle et la plus satanique appliquée à
ce petit peuple de quelques millions dames.
Les affres de cet enfer s'intensifiaient d'année en
année, par l'incursion des Circassiens et d'au–
tres réfugiés musulmans, par le contre-coup des
mouvements libérateurs des Balkans, par l'épui–
sement progressif de la Turquie amenant à sa
suite l'augmentation effrénée des impôts.
En présence des malheurs séculaires et sans
cesse croissants de la patrie, l'Aigle du Vaspoura-
kan et ses aiglons frappaient énergiquement à
la porte de la déesse Liberté, voulant à tout prix,
d'un effort héroïque, jeter à bas l'hydre du des–
potisme. Et c'était la muse de Khrimian qui,
éplorée, inconsolable, mais fîère et intrépide,
était venue se lixer dans la patrie même pour
proclamer une idée sublime sur ces hauteurs
endeuillées : l'idée de l'insurrection arménien–
ne, qui devait désormais grandir, se développer
progressivement sous la double poussée de l'es–
prit subjectif et de la réalité objective, et qui
s'en irait gagner peu à peu les cœurs, et enflam–
mer les esprits.
La lutte héroïque, lugubre, singulière, devait
éclater en un temps confus et sous un ciel ora–
geux. Mais i l fallait qu'elle éclatât, selon l'ex–
pression prophétique de l'Aigle du Vaspoura-
kan, pour régénérer un peuple insulté et foulé
aux pieds ; i l fallait qu'elle éclatât, pour essuyer
de son front la honte de la servitude et faire
pousser à nouveau les nobles rejetons d'une Nou-
Fonds A.R.A.M