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C'était un maître, de naissance, original,
singulier, ne possédant pas une instruction nor–
male et complète, mais surprenant son interlo–
cuteur par sa parole instructive et sa sagesse pro–
fonde. C'était un métal brut qui rendait un
son merveilleux, le type véritable de l'apôtre
dont le regard sublime reflétait les immenses
douleurs de son peuple, dont le visage simple
et lita nique personnifiait les hautes montagnes
de l'Arménie, ses horizons immenses, ainsi que
ses eaux claires et limpides.
Khrimian fut le premier abbé qui devint pu-
blicisle et .prononça des harangues. 11 fuit le pre–
mier religieux qui renonça à la vie stérile du cou–
vent et s'adonna, de toutes les forces de son être,
au peuple des travailleurs. La démocratie n'a,
sans aucun doute, pas eu de représentant plus i l –
lustre et plus pur, de pionnier plus puissant et
plus convaincu que cet abbé « égaré ». Les l i –
vres de prières furent exclus de ses préoccup
lions journalières ; les chaires des églises re–
tentissaient de ses sermons patriotiques, cha–
leureux et encourageants, évoquant les noms vé–
nérés et légendaires d'Aram et de Haïk.
De ces mêmes tribunes sacrées, le Docteur,
épris de liberté, lançait, en même temps que ses
prières, ses foudres contre les usuriers, les ecclé–
siastiques prévaricateurs et toutes les classes du
peuple ouvrier. De ces mômes tribunes, i l cin–
glait de son verbe mordant la dissimulation, l ' i –
gnorance ; faisant, par contre, l'apologie de l'é–
tude, de la civilisation, de l'école populaire, de
la science, du progrès sous toutes ses formes.
Ce type rare et admirable d'autodidacte eut
très vite rempli son arsenal intellectuel. I l fit les
progrès les plus rapides, grâce à son extraordi-
Fonds A.R.A.M