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teurs de Varak, où était allé percher l'aigle, et
d'où iJ lançait ses cris aigus vers les horizons
brumeux du pays arménien, pleurant avec son
peuple, vivant ses tortures et partageant son mar–
tyre, faisant connaître les plaintes désespérées
de ce peuple contre les forces aveugles de la
barbarie.
C'était Khrimian, la noble conscience, l'in–
terprète des douleurs et des vœux endeuillés du
peuple arménien d'alors. « L'aigle du Vaspou-
rakan » (Ardzive Vasbouragani) apparaissait
comme un phénomène extrêmement révolu–
tionnaire dans l'horizon arménien. C'était le seul
organe de la patrie, qui, tout en pleurant les
ruines, adressait à la nouvelle génération des
appels de lutte et de révolte. Les pleurs et les
plaintes ne formaient qu'un môme cri de dou–
leur, s'élevant de l'obscure imprimerie de Va–
rak, parvenant au loin, à Constantinople, au Cau–
case, en Perse , racontant les souffrances du
peuple, apportant partout le parfum des monts
et des vallons de la pairie, remplissant les cœurs
de l'enthousiasme le plus patriotique, le plus
pur, le plus chaleureux.
Khrimian était un autre Alichan, établi sur le
sol môme de la patrie, au sein de sa propre race,
en contact immédiat et journalier avec le formi–
dable drame qui se déroulait, en. communion di–
recte avec les plaintes douloureuses qui éma–
naient dés milliers d'âmes environnantes. Khri–
mian était un autre Alichan, peut-être moins
poète que le chantre d'Avaraïr, mais plus ori–
ginal et plus profond, doué d'une mentalité plus
forte et d'une verve plus vigoureuse, un maître
à la fois de la plume et de la parole, en un mot
un écrivain, un orateur, un conducteur.
Fonds A.R.A.M