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Nersès d'Achtarak avait peut-être fait fausse
route en faisant appel au tsar, pour préparer et
réaliser l'affranchissement et l'indépendance du
peuple arménien par la Russie. I l avait, en Ions
cas, agi en parfaite bonne foi.
Toute autre fut la méthode préconisée par
Miriniian. Lui aussi voulail la liberté, l'indé–
pendance, l'autonomie de la nation arménienne.
Mais au lieu de recourir à l'étranger, au lieu de
faire appel à un allié puissant qui peut devenir
tôt ou tard un maître et un despote, i l exhorte
son peuple à ne compter que sur lui-même, à
préparer par ses propres moyens son émancipa–
tion et son affranchissement. I l prépare la voie
morale, la seule vraie, alors que ses
prédéces–
seurs avaient trop compté sur le concours de
l'étranger.
L'œuvre de Krimian a été fort bien décrite par
un écrivain arménien contemporain. Je m'en
voudrais de ne pas vous faire connaître quel–
qu'une de ces pages. Mon français ne vaudra pas
son arménien. Vous saurez être indulgents ( i ) :
Tandis que la presse arménienne de Constan-
tinople, morne et atone, se taisait en face des tor–
tures inouïes que subissaient les Arméniens des
provinces, une voix résonnait, fière et altière,
dans ce silence timide et volontaire; elle réson–
nait avec toute la conscience de la dignité hu–
maine, sans s'insinuer, sans flatter, sans cacher
les plaies ensanglantées du « grand muet qu'est
le peuple », de l'exécrable enfer des souffrances
arméniennes, enfer pavé de sang et d'ignominie.
Cette voix s'élevait du Vaspourakan, des hau-
(
i) Cf. F .
M A C L E R ,
Autour
de l'Arménie
(
Paris,
1917),
p.
240
et suivantes.
Fonds A.R.A.M