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Ja ruine et l'infamie; ou bien, consultant ton
propre intérêt, proposer quelque utile conseil et
conjurer les événements. »
Cependant, au milieu de ces perfides détours,
se cachait encore le projet de faire périr Dikra-
noubi, si son avis n'était pas conforme à la volonté
du Médo-Perse. Mais la prudente et belle prin–
cesse, devinant l'artifice, répondit très-tendrement
à Astyage ; et aussitôt, par de fidèles messagers,
elle révèle à son frère les trames perfides de son
époux.
Dès ce moment, Astyage se met à l'œuvre; il
demande par des messages une entrevue à T i -
grane aux frontières des deux Etats, simulant une
affaire importante qu'il est impossible de traiter
par lettre ou par ambassade, si les deux souve–
rains ne sont pas en présence. Mais Tigranc, ayant
su par le messager le but proposé, ne cacha rien
de ce que pensait Astyage, et lui déclara par
lettre connaître toute la noirceur de son cœur.
Cette perfidie une fois découverte, il n'y avait
plus dès lors ni paroles ni fourberies qui pus–
sent pallier tant de méchanceté, et la guerre se
préparait ouvertement.
Le roi des Arméniens rassemble des frontières
d e l à Cappadoce, de l'ibérie (Vratsdan) et de
l'Aghouank des troupes d'élite, ainsi que toutes
celles de la Grande et de la Petite Arménie, et
marche avec toutes ses forces contre le pays des
Mèdes. Astyage se trouve alors en danger d'avoir
à se mesurer avec le descendant d'Haïg, auquel
il ne peut pas opposer des
forces
inférieures. L a
lutte se prolongea pendant cinq grandsmois, car
la vivacité, l'ardeur de l'action se ralentissaient
lorsque Tigrane songeait au sort de sa sœur bien-
aimée ; anssi i l manœuvrait de façon à sauver les
jours de Dikranouhi. Cependant l'heure du com–
bat approchait.
Mais je ne saurais trop louer mon héros , sa
taille majestueuse, son sûr coup de lance, la juste
proportion de tous ses membres, la beauté par-
mite de son visage ; car i l était agile, en tout
bien
conformé
,
et nul ne l'égalait en
force.
Pour–
quoi prolonger ce récit? L'affaire engagée, le hé–
ros, d'un coup de lance, fend comme [une lame
d']eau la lourde armure d'airain d'Astyagc, le
transperse avec le fer de sa longue lance, puis,
retirant la main , il ramène avec l'arme la moitié
de ses poumons. Le combat était magnifique, car
c'étaient braves contre braves, ne tournant pas
facilement le dos ; aussi l'action dura longtemps.
Ge
qui mit fin au combat fut la mort d'Astyage.
Cet exploit, ajouté à tous les succès de Tigrane,
augmenta sa gloire.
CHAPITRE X X X .
Pourquoi Tigrane envoya sa soeur Dikranouhi à
Tigranocerte. — Anouïsch, première femme
d'Astyage. — De la résidence assignée aux
captifs.
On raconte aussi qu'après le succès de cette af–
faire, Tigrane, avec une pompe royale, envoya
sa sœurDikranouhi, accompagnée d'une très*forte
escorte, en Arménie, au bourg qu'il appela de son
nom Tigranocerte (Dikranaguerd) , et il ordonne
à toute la contrée d'obéir à la princesse. Là , une
noble famille appelée Osdan, dit [l'historien],
est une race royale issue de cette dernière.
Enfin Anouïsch, la première des femmes d'As–
tyage, et beaucoup déjeunes princesses ses filles,
avec de jeunes garçons et beaucoup d'autres cap–
tifs, au nombre de plus de dix mille, furent éta–
blis dans le pays situé depuis l'orient de la grande
j
montagne
(
l'Ararat) jusqu'aux contrées de Kogh-
ten, pays qui comprend Dampad, Osguiogh,
Tajkouïnk. On leur concède aussi, sur les rives
du fleuve (Araxe), les autres villages dont l'un
e-t Vrandchounik jusqu'en face du fort de
Nakhd-
javan, les trois bourgs Khram, Dchougha et Kho-
chagounik; de l'autre côté du fleuve, toute la
plaine qui va d'Ajtanaghan jusqu'au même fort
de Nakhdjavan. Quant à la princesse Anouïsch,
Tigrane l'installe avec ses fils sur un vaste terri–
toire au pied des ruines de la grande montagne,
amenées, dit-on, par l'effet d'un horrible trem–
blement de terre, comme le racontent les voya–
geurs qui, par ordre de Ptolémée, mesurèrent
non-seulement le séjour des hommes, mais aussi
en partie la mer et les contrées désertes depuis la
zone torride jusqu'au pays des Cimmériens (Ki -
miouron). Tigrane donneà Anouïsch des servi
leurs
pris parmi ces mêmes Mèdes établis au pied
de
la montagne.
Ceci est confirmé par les chants métriques que
conservèrent avec passion, comme je l'ai appris,
les habitants du Koghten, canton fertile en v in,
dans lesquels sont mentionnés Ardaschès et ses fils,
et d'une manière allégorique les descendants d'As–
tyage , sous le nom de descendants du dragon,
car Ajtahag, dans notre idiome, veut dire « dra–
gon ». On dit encore qu'Arkavan donna un festin
en l'honneur d'Ardaschès, et lui dressa des em–
bûches dans lé temple des dragons. Ardavazx, le
vaillant fils ô?Ardaschès, ne trouvant pas d'em–
placement convenable pournn palais, lors de la
fondation d'Artaxata (Ardaschad), alla bâtir chez
les Mèdes Maraguerd, située dans la plaine a])-
Fonds A.R.A.M