a DE KHORENE .
quand le cadavre fut en putréfaction, elle le fit
jeter [par ses serviteurs] dans une fosse profonde
pour le dérober ainsi à la vue de tous. Puis ayant
travesti en secret un de ses amants, elle publie
sur Ara la nouvelle suivante : — « Les dieux, en
léchant les plaies d'Ara, l'ont rendu à la vie, et
ont ainsi comblé nos vœux les plus chers ; aussi
dorénavant ils doivent encore être davantage
adorés et glorifiés par nous, comme les auteurs
de notre félicité et de l'accomplissement de nos
désirs. » — Sémiramis érige une nouvelle statue
aux dieux, lui offre des sacrifices, comme si la
puissance de ces dieux avait sauvé Ara. A l'aide
de ces bruits répandus en Arménie touchant Ara,
Sémiramis persuada tous les esprits et fit cesser
la guerre.
En ce qui regarde Ara, il suffit de le rappeler
en ce peu de mots : ayant vécu
années, Ara
engendra Gartos.
CHAPITRE XV I .
Comment après la mortd'Ara
,
Sémiramis éleva la
ville, la digue du fleuve et son palais.
Après ces succès, Sémiramis, s'étant arrêtée
peu de jours dans la plaine appelée Ararat, du
nom d'Ara, passe au sud de la montagne, car
on était alors en été, pour se promener dans les
vallons et les campagnes en fleurs. En voyant la
beauté du pays, la pureté de l'air, les sources
limpides qui jaillissent de toutes parts, le cours
majestueux des fleuves au doux murmure : —
« 11
nous faut, dit-elle, dans un pays où le climat
est si tempéré et l'eau si pure, fonder une ville,
une demeure royale pour résider [ici] en Arménie,
au milieu de toutes les délices, la quatrième par*
tic de l'année ; les trois autres saisons plus froides,
nous les passerons à Ninive. »
Sémiramis, ayant visité beaucoup de sites,
arrive du côté oriental, sur le bord du lac salé ;
elle voit sur ces bords une colline oblongue,
exposée dans sa longueur au couchant ; un peu
oblique au nord; au midi une grotte s'élevant
droit et perpendiculairement vers le ciel ; à peu
eje distance au sud, une vallée plate, confinant à
l'orient avec la montagne, et qui, en s'allongeant
vers le lac, s'élargit et prend un aspect grandiose.
A travers ces lieux, des eaux pures, tombant de
la montagne dans les ravins et les vallées, réunies
à la large base des montagnes, devenaient de v é –
ritables fleuves. A droite et à gauche des eaux,
s'élevaient dans cette vallée de nombreux villages ;
et à l'est de cette riante colline, se dressait une
petite montagne.
Ic i , l'active et impudique Sémiramis, ayant tout
examiné en détail, fit aussitôt venir de l'Assyrie
et
des autres parties de son empire, et rassembler en
ce lieu douze mille ouvriers et six mille maîtres de
tout état , pour travailler le bois, la pierre, le
bronze et le fer, tous très-habiles dans leur art.
Tout s'exécutait selon les ordres de la reine. On
voyait accourir en hâte des ouvriers et des maîtres
de tout état. Sémiramis fait d'aboid construire la
chaussée du fleuve, avec des blocs de rochers,
lies entre eux avec de la chaux et du sable [fini,
œuvre gigantesque pour l'étendue et la hauteur
et qui existe, à ce que l'on dit, encore à pr é –
sent. Dans les fentes de cette chaussée, nous
le savons par ouï-dire, les voleurs et les vaga–
bonds du pays y cherchent un refuge et s'y cachent
en sûreté comme sur les cimes désertes des mon–
tagnes. Si quelqu'un veut en faire l'expérience, il
ne pourra pas même , en employant toutes ses
forces, détacher de cette construction une pierre
de fronde; en examinant la parfaite liaison des
pierres, on croirait que la cimentation a été faite
avec de la cire coulée. Cette chaussée, longue de
plusieurs stades, va jusqu'à la ville.
L a reine fait ranger cette multitude de travail–
leurs en plusieurs classes, et donne pour chef à
chacune le meilleur des artisans. Ainsi à force
de fatigues continuelles, elle achève en peu d'an–
nées ces merveilleuses constructions, qu'elle en–
toure de fortes murailles avee des portes d'airain.
Elle bâtit aussi dans la ville de nombreux et ma–
gnifiques palais, ornés de différentes pierres de
diverses couleurs, élevés de deux ou trois étages,
chacun, comme i ! convient, exposé au soleil. Elle
distingue par de belles couleurs les quartiers de
la ville, les divise par de larges rues; elle
coas-
truit, selon les besoins, des thermes au milieu de
la ville, avec un art admirable. (Distribuant dans
la cité une partie des
1
eaux du fleuve, elle les
amène partout où i l en est besoin, et aussi pour
l'arrosement des jardins et des parterres. Quant
à l'autre portion des eaux, près des bords du lac
à droite et à gauche, elle les destine aux usages
de la ville et de tous les environs. Toutes les
parties de la ville, à l'est, au nord et au sud, sont
décorées par elle de beaux édifices, d'arbres touf–
fus, produisant des fruits et des feuillages diffé–
rents; elle plante aussi quantité de vignes dans les
terrains fertiles en vins. Elle rend de tous côtés
magnifique et splendide la portion de la ville en–
tourée de murailles, et y fait entrer une immense
population.
Quant à l'extrémité de la ville et aux merveil–
leux édifices qui s'y trouvent, bien des gens
Fonds A.R.A.M