HISTOIRE D'ARMÉNIE.
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ignorent l'état des choses ; i l est donc impossible
d'en faire la description. Sémiramis garnit le
sommet des murailles, ouvre des entrées d'un
accès difficile, et élève un palais royal, avec de
terribles oubliettes. Le dessin et le plan d'un sem–
blable édifice ne nous ont été transmis par per–
sonne avec vérité, aussi nous ne croyons pas op–
portun d'en parler dans cette histoire. Nous di–
rons seulement que, de tous les ouvrages royaux,
comme nous l'avons appris, c'est le premier et le
plus splendide.
Sur le côté oriental de la grotte, là où actuel–
lement on ne peut tracer un seul trait avec la
pointe, tant la pierre
en
est dure, on a creusé
des palais, des chambres, des caveaux pour mettre
les trésors et de longues galeries. Personne ne
sait comment ces merveilleuses constructions ont
pu s'élever. Sur toute la surface de la pierre,
comme sur de la cire, avec une pointe, sont tracés
beaucoup de caractères. Or la vue d'un sem–
blable prodige jette tout le monde dans l'étonne-
ment ; mais assez sur ce sujet. Dans beaucoup
d'autres cantons de l'Arménie, la reine fit graver
sur la pierre le souvenir de quelque événement ;
sur beaucoup de points, elle fit dresser des stèles
avec des inscriptions tracées de même. Mais en
voici assez sur les travaux exécutés en Arménie
par Sémiramis.
CHAPITRE XV I I .
De Sémiramis i pourquoi elle fit périr ses fils. —
Comment elle s'enfuit en Arménie \a cause]
du mage Zoroastre. —— Elle meurt de la main
de son fils Ninyas,
La reine, voulant toujours aller passer l'été
dans le nord, dans la ville qu'elle avait fondée en
Arménie, laissa, comme gouverneur de l'Assyrie
et de Ninive, Zoroastre (Zrataschd), mage et chef
religieux des Mèdes (Mar) ; pendant longtemps
les choses étant ainsi réglées, Sémiramis remit
tout le pouvoir aux mains de Zoroastre.
Souvent reprise par ses enfants à propos de sa
conduite déréglée et par trop voluptueuse, la
reine les fit tous périr, à l'exception de Ninyas,
le plus jeune. Dans son amour pour ses favoris,
elle leur remet son pouvoir souverain, ses trésors,
et ne prend aucun soin de ses fils. Ninus, son
mari, n'était pas mort, et ne fut pas enterré,
comme on le dit, par ses soins, dans le palais, à
Ninive ; mais, voyant la corruption de sa perfide
épouse, il abandonna l'empire et se réfugia enCrète
(
Gridé). Sesfils,devenus grands, reprochent à leur
mère sa conduite, croyant la faire rougir de ses
vices, de ses méfaits diaboliques, et la déterminer
à leur céder le pouvoir et ses trésors. L a reine
devint plus furieuse encore et les fit tous mourir.
Ninyas fut seul épargné, comme nous l'avons dit
plus haut.
Par suite des torts de Zoroastre envers la reine
et de leur querelle, Sémiramis prend les armes
contre lui, car i l songeait à établir partout sa ty–
rannie. Au fort du combat, Sémiramis s'enfuît
devant Zoroastre, et gagne l'Arménie. Ninyas
trouve le moment opportun pour se venger ; il
tue sa mère, et règne sur l'Assyrie et Ninive. Nous
avons dit la cause et les circonstances de la mort
de Sémiramis.
CHAPITRE XV I I I .
Première expédition de Sémiramis dans les Indes,
Sa mort pendant qu'elle était en Arménie.
J'ai en vue Céphalion, pour ne pas m'exposer
à être un sujet de risée; il parle d'après d'autres
écrivains, d'abord de la naissance de Sémiramis,
ensuite de sa guerre dans les Indes. Mais les faits
qui résultent de l'examen que fit Mar Apas Câlina,
dans les livres chaldéens, nous ont paru plus
certains que toutes ces particularités ; car il parle
avec savoir et i l expose les causes de la guerre.
Ajoutons encore que les fables de notre pays
donnent raison au savant syrien, en disant qu'ici
(
en Arménie) eurent lieu la mort de Sémiramis,
sa fuite à pied, sa soif ardente, ses recherches
pour avoir de l'eau, son empressement à se dé –
saltérer, et, à l'arrivée des soldats armés de glaives,
le jet du talisman dans la mer, d'où est venu ce
chant : « Les perles de Sémiramis dans la mer. »
Aimes-tu les fables? Écoute celle-ci : « Sémira–
mis changée en pierre, bien avant Niobé. » As–
sez sur ce sujet, occupons-nous des faits pos–
térieurs.
CHAPITRE X I X .
Événements arrivés après la mort de Sémi–
ramis.
Je veux dans cet ouvrage te montrer tous les
événements avec ordre, les ancêtres les plus re–
nommés de la nation, toutes les traditions qui
les concernent, chacun de leurs faits et gestes,
en omettant toutes les choses imaginaires ou in–
convenantes dans nos récits, et en racontant ce
qui se trouve dans les livres, et notamment dans
Fonds A.R.A.M