HISTOIRE D'ARMÉNIE.
Le village que le gouverneur établi par Aram, et
qui s'appelait Mschag, fonda et entoura de petites
murailles, et auquel il donna son nom, les anciens
habitants du pays le nommaient Majak, ne pou–
vant bien prononcer ; jusqu'à ce qu'ensuite agrandi
par d'autres, ce village fut nommé Césaréc. C'est
ainsi qu'Aram, depuis ces lieux jusqu'à son propre
empire, remplit d'habitants beaucoup de con–
trées désertes, et le pays fut nommé la Deuxième,
J a Troisième et même la Quatrième Arménie.
Voilà la première et la véritable raison d'appeler
les parties occidentales de notre pays, Première,
Seconde, Troisième et Quatrième Arménie. Et ce
que disent certaines personnes de l'Arménie
grecque, ne nous plaît aucunement .* que les autres
fassent à leur guise !
Le nom d'Aram est tellement puissant et re–
nommé jusqu'à ce jour, comme tout le monde le
sait, que les nations qui nous entourent, le donnent
à notre pays. On raconte d'Aram bien d'autres
actions d'éclat ; mais nous en avons dit assez sur
ce sujet.
Mais pourquoi ces faits ne furent-ils pas consi–
gnes dans les livres des rois et des temples? Ce–
pendant que personne ne
conçoive à cet
égard
ni doute, ni suspicion. Car premièrement, Aram
est antérieur au règne de Ni nus, époque où per–
sonne ne se préoccupait de tels soins; et deuxième–
ment, les peuples ne sentaient ni l'utilité, ni le
besoin, ni l'intérêt de s'occuper des nations étran–
gères, des pays lointains, de recueillir les anciennes
traditions, et les récits des premiers âges dans les
livres de leurs rois ou de leurs temples; d'autant
plus que la valeur et lés exploits, des peuples
étrangers n'étaient pas pour eux un motif de va–
nité ou d'orgueil. Et , bien que non consignés dans
leurs propres livres, ces faits, comme le raconte
Mar Apas Catina, ont été extraits des ballades et
des chants populaires, composés par quelques
obscurs écrivains, et se trouvent réunis dans les
archives royales. Il y a une autre raison, dit-il
encore, c'est que, comme, je l'ai appris, Ninu s,
homme imprudent et égoïste, voulant se donner
comme le principe unique, le premier auteur de
toute conquête, de toute qualité et de toute per–
fection, fit brûler quantité de livres d'annales des
premiers âges, qui se conservaient dans différents
endroits et relataient les actes de bravoure de tels
ou tels personnages ; il fit également détruire les
annales relatives à son époque, exigeant que l'his–
toire n'écrive que pour lui seul. Mais il est su–
perflu de répéter tout ceci.
Aram engendra Ara; puis ayant encore vécu
de longues années, il mourut.
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CHAPITRE XV.
Ara; sa mort dans une guerre suscitée par Sémi–
ramis,
Ara, peu d'années avant la mort de Ninus,
obtint le.gouvernement de sa patrie, jugé digne
d'une telle faveur par Ninus, comme [antérieure–
ment] son père Aram. Mais l'impudique et volup–
tueuse Sémiramis (Schamiram), ayant entendu
parler depuis longues années de la beauté d'Ara,
brûlait du désir de satisfaire sa passion; cepen–
dant elle ne pouvait agir ouvertement. Mais après
la mort, ou plutôt après la fuite de Ninus en Crète,
comme je le crois, Sémiramis mûrissant en sûreté
sa passion, envoie desmessagers au bel Ara, avec
de riches cadeaux, accompagnés d'instantes
prières, de promesses magnifiques, pour l'engager
à venir la trouver à Ninive, à l'épouser et à régner
sur tout l'empire de Ninus, ou seulement à satis–
faire son ardente passion, et à retourner ensuite
en paix dans ses propres états, comblé de présents.
Déjà les ambassades s'étaient succédé sans in–
terruption, et Ara refusait toujours. Alors Sémi–
ramis, furieuse du mauvais résultat de ses mes–
sages,, lève toute la multitude de ses troupes, se
hâte d'arriver sur le territoire des Arméniens,
et de fondre sur Ara. Mais il était évident que ce
n'était pas tant pour tuer Ara ou le mettre en
déroute, qu'elle se hâtait ainsi, que pour le sub–
juguer, s'emparer de lui pour satisfaire ses pas–
sions ; car devenue folle d'amour au seul portrait
qu'elle avait entendu faire d'Ara, comme si elle
l'eût vu, elle brûlait de feux dévorants. Elle ac–
court en se précipitant dans la plaine d'Ara, ap–
pelée de son nom Ararat. Au moment d'engager
le combat, elle ordonne à ses généraux de faire
en sorte, s'il est possible, d'épargner la vie d'Ara.
Mais au fort de la mêlée, l'armée d'Ara est mise
en pièces, et il meurt dans l'action, frappé par
Les soldats de Sémiramis. La reine envoie après
la victoire sur le lieu du combat ceux qui dé –
pouillent les cadavres, afin de chercher parmi les
morts l'objet de son amour. Ara fut trouvé sans
vie au milieu de ses braves compagnons d'armes.
Sémiramis le fait placer sur la terrasse de son
palais.
Cependant, comme les troupes arméniennes se
ranimaient au combat contre la reine Sémiramis,
pour venger la mort d'Ara ; elle dit : — « J'ai
ordonné à mes dieux de lécher les plaies d'Ara,
et il reviendra à la vie. » — Elle espérait par la
vertu de ses maléfices ressusciter Ara, tant la
fureur de sa passion avait égaré sa raison. Mais
Fonds A.R.A.M