HISTOIRE D'ARMÉNIE.
M
des dominateurs de l'Egypte, ne porta jamais, et
qui lui fut donné parce qu'il était plus philhel-
lène (i) que tout autre, et qu'il cultiva avec
amour la langue grecque. Bien d'autres exemples
de faits analogues l'on fait nommer roi des Grecs ;
mais, en résumé, nous en avons assez dit sur ce
[
Ptoléméc],
Beaucoup d'hommes célèbres de la Grèce,
aimant la science, se sont appliqués à traduire en
grec non-seulement les documents des archives
des autres nations, tant celles des rois que celles
des temples, — comme celui qui confia le soin
de ce travail
à
un certain Bérose (Piourios), Chai*
déen très-versé dans toutes les parties de la science,
—
mais encore tout ce qu'il y avait de plus grand
et de plus admirable dans les arts. Tous ces
documents découverts par eux en quelque lieu
que ce soit, ils les recueillirent et les firent passer
dans la langue grecque, comme
Valp
au
Ahé,
le
za
et le
tho
au
piour,
le
guienn
à
Yiesch
et le
sé
au
scha
(2).
Ces hommes, dont nous savons exacte–
ment les noms, recueillant tous ces documents,
les consacrèrent
à
la gloire du pays des Hellènes.
Ce sont [des écrivains] recommandables, puisque,
par amour de la science, ils découvrirent, à force
de recherches, les productions des autres; mais
ceux-là sont plus recommandables encore, qui
ont accueilli et honoré ces découvertes de la
science; c'est pourquoi je dis qu'assurément la
Grèce est la mère et la nourrice de toutes les
sciences.
Ceci suffît au surplus pour prouver le besoin
que nous avions des renseignements [fournis par]
les Grecs.
CHAP I TRE I I I .
Du manque de philosophie de nos premiers rois et
princes.
Je ne veux pas laisser, sans le flétrir d'un
blâme, le manque de philosophie de nos ancêtres;
mais je veux dès à présent leur adresser un r e –
proche sévère. Car si [on prodigue] des louanges
méritées
à
ceux des rois qui ont confié
à
l'histoire
écrite les époques de leurs règnes, en consignant
(1)
L'arménien a traduit mot à mot le composé çtXÉX-
Xv]v par «
ounasèr ».
(2)
Ce passage, que l'on a essayé d'interpréter de di–
verses manières, reste
encore
aujourd'hui une énigme
qu'il semble impossible de pénétrer. On doit croire que
c'est un passage corrompu par les anciens copistes qui,
n'ayant pas saisi le sens de ce membre de phrase , au–
ront dénaturé le texte, de façon à le rendre incom–
préhensible.
chacun de leurs actes de sagesse
et
de courage
dans des poésies traditionnelles (1) et dans des
annales, et si les chanceliers occupés par l'ordre
des rois à faire des compilations méritent aussi
nos éloges; par leur moyen, disons-nous, nous
acquérons une expérience plus complète des ins–
titutions humaines, en lisant avec plaisir les dis–
cours et les récits savants des Chaldéens et des
Assyriens, des Égyptiens et des Hellènes, et nous
aspirons à [conquérir] la sagesse de ceux qui se
sont préoccupés de si nobles études.
I l est donc évident pour nous tous que nos rois
et nos ancêtres se sont montrés très-peu soucieux
de la science, et que leur intelligence était très-
bornée. Car, bien que nous sachions que nous ne
sommes qu'un petit coin de terre, [un peuple] peu
nombreux, d'une force limitée et souvent assujetti
à une autre puissance, on signale souvent dans
notre pays beaucoup d'actions de valeur, dignes
d'être recueillies dans les annales, et aucun de
nos [rois] n'a pensé à les faire enregistrer. Ils n'ont
pas
songé
à se faire du bien à eux-mêmes, ni à
laisser leur nom dans le monde, [ni à le confier]
à la mémoire [des générations] ; et nous pourrions
continuer la série de nos reproches, et leur ré–
clamer de plus grandes choses et de plus an–
ciennes.
Mais quelqu'un dira peut-être : Ce fut l'ab–
sence de caractères d'écriture et de littérature (a)
en ce temps-là, ou les guerres nombreuses qui se
succédèrent sans relâche.
Cette objection n'est pas juste, car i l 7 a tou–
jours des intervalles entre les guerres ; ensuite il
existait des caractères perses et grecs, qu'on trouve
encore aujourd'hui chez nous, transcrits sur de
nombreux registres, où sont constatées les affaires
des villages, des cantons et même de chaque
maison, beaucoup de procès et de traités géné–
raux, et principalement les registres relatifs à la
succession des satrapies (3) . Mais i l me semble
(1)
Lemot
veb
qui a habituellement le sens de « chant, »
signifie ici un « poëme historique. »—Cf.
Emw
t
Vebkh....
Chants de Vancienne Arménie
(
en arménien ), préface,
p.
7,
et Collect. des hist. armén., t. I, p.
17,
note
1,
col.
1.
—
Le
même,
trad. de l'Hist. de Moïse de Kho–
rène en russe, note
7,
p.
238.
(2)
Cf. Collection des hist. d'Arm., 1.
1,
p. xrvetsuir.,
du Discours prélim., p.
14,
note
4.
(3)
Le mot
'
azadouihioun
qui a le sens de « liberté »
veut dire ici des « terres libres », c'est-à-dire des « do–
maines de satrapes » lesquels étaient exempts d'impôts,
comme les terres de l'Église. Le code de Mékbitar Kosch,
connu sous le nom de
Tadasdanakirkh
et qui se con–
serve en manuscrit dans plusieurs bibliothèques, a très-
bien défini ce qu'il faut entendre par ces « terres libres »
qui formaient autant de seigneuries indépendantes. —
Cf. aussi Indjîdji,
Antiq. de CArm.,
t. I I , p.
77.
Fonds A.R.A.M