parce que ses mains étaient étendues vers le ciel
et que son couse tenait droit. Alors on se rappro–
cha de lui pour le faire asseoir parce qu'il était
fatigué et que sa personne était alanguie par les
douleurs
du poison. Mais, Jorsqu'lte'Virent qu'il
était mort, tous furent dans la stupéfaction ; ils
se jetèrent à son cou et se mirent à pousser de
grandes clameurs. Le pays d'Arménie retentit de
cris et de gémissements parce que le sang du
juste avait été versé inutilement. On plaça le saint,
avec de grandes lamentations, sur son siège pa –
triarcal , et il semblait à ceux qui le regardaient
comme une personne vivante.
Deux solitaires, l'un appelé Épiphane, l'autre
Schaghida, qui s'étaient retirés, le premier sur la
montagne d'Arioudz (Lion), et le second à Né -
badag ( i ) , et d'autres pères qui habitaient dans
des grottes et dans des cavernes y au moment où
saint Nersès quitta la vi e , virent -chacun, dans
leur solitude, pendant le jour, le grand Nersès,
comme transporté avec son corps dans les cieux
au milieu des nuages. Les anges le soutenaient,
se présentaient devant lui en groupes pressés, en
lui offrant des couronnes de lumière plus bril–
lantes que le soleil. A cette vue,les saints pères,
au comble de l'ctonnement et de la stupeur, vin–
rent dans le canton d'Égéghiatz, dans le village
de Khakh, et apprirent la mort du saint homme
de Dieu, du grand Nersès; ils versèrent d'abon–
dantes larmes et dirent : « O illuminateur du
monde! qui n'as point péché et qui, par ton i n –
nocence et tes ferventes prières, as dégelé la glace
des péchés des coupables, souviens-toi de nous
devant Dieu ! » Les saints anachorètes racontèrent
leur vision au peuple, ce qui causa un grand éton-
nement
(2).
Après cela, le roi et les autres grands
princes disposèrent un cercueil, et, y ayant déposé
le saint, ils l'ensevelirent dans le village appelé
Thil (3). Durant quarante jours, une colonne de
lumière se fit voir sur sa sépulture ; beaucoup de
guérisons étaient opérées sur son tombeau et
même jusqu'à aujourd'hui; car,
en
prenant de la
terre de sa sépulture, on se guérissait de la ma–
ladie appelée la peste, maladie nouvelle et terri–
ble qu'il demanda lui-même à Dieu pour punir
Arschagavan, ville coupable et foyer d'iniqui–
tés
(4).
(1)
Faustus de Byzance (I. Y, c. 25) dit que Schaghida
s'était retiré dans la grande montagne, sur le lieu con–
sacré aux idoles et qu'on nomme « trône d'Anahid ».
( 2 )
Faustus de Byzance, 1. V, c. 25.
(3)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 24.
Moïse de Kho–
rène, 1. 111, c. 38.
(4)
Cf. plus haut, p. 32, 36.
Ce
fut ainsi que le grand Nersès vécut pendant
sa vie, et c'est ainsi qu'il mourut, après avoirdirigé,
avec la foi orthodoxe, le patriarcat de la Grande-
Arménie durant l'espace de trente-quatre ans
(1).
XV. Alors les satrapes, les princes, les nobles
et les
sabrag
(?)
(2)
du pays d'Arménie,
se
réuni–
rent dans un endroit et ils se consolaient mutuel–
lement de la mort du saint. Ils formèrent une
armée et la confièrent à Mouschegh
le
Mamigo–
nien, pour se préparer dans les combats. Mous–
chegh leur dit :
«
Je
ne puis [accepter], car nous
n'aurons plus la victoire. Notre triomphe venait
par les prières du saint, et i l semble à mon esprit
que l'Arménie a été abandonnée de Di eu, car le
juste n'est plus, et qui donc à présent priera pour
nous? » Tout le monde se rangeait de son avis
(3).
Malgré que Bab eut tué Nersès, il ne se rassa–
siait point de commettre des crimes. 11 ordonna
de détruire les monastères, les hôpitaux et tous
les édifices construits par le bienheureux Ner–
sès
(4) .
Quand les satrapes virent cette conduite,
ils résolurent de tuer Bab et d'élever à la dignité
royale le brave Mouschegh. Mais celui-ci les d é –
tourna de cette pensée et leur dit : « N'avez-vous
pas entendu saint Nersès nous ordonner et nous
dire de ne point venger sa mort, car c'est au Sei–
gneur qu'il appartient de l à punir?»
Cependant, lorsque l'empereur Théodose eut
appris que le roi d'Arménie Bab avait lait mou–
rir saint Nersès, il expédia en secret une lettre au
général grec qui était venu au secours des Armé–
niens , pour trouver un moyen de tuer Bab. Le
général invita à un festin le roi d'Arménie Bab, et
il cacha dans la maison des légionnaires portant
l'épée nue à la main. Lorsque les convives furent
sous l'influence des vapeurs du v i n , les soldats
entourèrent Bab et le tuèrent sur la table. Ce
prince avait régné sur la Grande-Arménie pen–
dant sept ans. Cette vengeance fut exercée par le
Seigneur, à cause de l'homme de Dieu, le grand
Nersès (5).
(1)
Cf. aussi Moïse de Khorène, 1.111, c. 38. — Quel–
ques rose, se terminent à cet endroit. Le chapitre XV
n'est à vrai dire qu'un épilogue qui a dû être ajouté
par des écrivains postérieurs qui ont résumé quelques
chapitres de Faustus de Byzance.
(2)
Ce mot est tout à fait inconnu; il est probable
qu'il a été altéré par les copistes dans tous lesrose,qui
nous sont parvenus.
(3)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 30.
(4)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 31.
(5)
Cf. les récits plus circonstanciés de Faustus de
Byzance (1. V, c. 31), de Moïse de Khorène ( 1. III, A ) ,
et d'Ammien Marcellin (XXX, 1) qui sont en désaccord
avec celui de notre auteur. — Cf. aussi notre Collec–
tion., t. I, p. 295, note 1, et p. 296. note 1.
Fonds A.R.A.M