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GÉNÉALOGIE D E SAINT GRÉGOIRE .
ses femmes, Sapor fut très-étonné, et il adressa
de vifs renierciments à Mouschegh, sur sa géné–
rosité. Le cheval de Mouschegh était blanc ; Sapor
fit peindre celui-ci sur un tableau (i) et, à l'heure
du repos, il se levait devant cette image, buvait
le vin et disait : « Je bois au cheval blanc ! » Sa–
por agissait ainsi parce que Mouschegh lui avait
renvoyé ses femmes, pures de toute souillure et
sans rançon
(2).
Lorsque Bab eut appris que Mouschegh avait
renvoyé les femmes du roi des Perses et qu'il ne
les lui avait point amenées, il voulut lè faire mou–
rir ; mais il n'osa point exécuter son projet, par
crainte de saint Nersès. Après cela, le roi des
Perses, Sapor, demanda du secours au roi des
Huns, Ournaïr
(3),
et il ouvrit les portes des Alains.
Les troupes des Huns, des Massagètes (Mazkhouth),
des Akouk, des Leplun
(4),
des Thaumadg, des
Koupour
(5),
des Djemah, des Koutar, des Ouz,
des Djoudj, des Scheghp, des Maghazdj, des Ker,
des Gouan
(6),
se rassemblèrent auprès de lui,
avec d'autres troupes appartenant à des peuplades
perses en nombre immense', et à des tribus de
montagnards Kurdes nomades. Ils arrivèrent tous
ensemble, envahirent les plaines de l'Adherba-
dagan et se répandirent sur tout le pays d'Armé–
nie. Le roi des Huns dit au roi des Perses : « Je
me porterai contre Mouschegh avec mon armée,
et toi, avec les troupes des Arik, marche contre
l'armée des Grecs. » Lorsque Manuel le Mamigo–
nien , frère de Mouschegh le brave, entendit ces
paroles, il dit : « Tu vas ramasser des épines,
mais ce sera merveille si tu parviens à les recueil–
lir
(7).
»
Il expédia des messagers à son frère
(1)
Faustus dit que Sapor avait fait graver sur une
coupe la figure deMouschegh, et que, toutes les fois qu'il
buvait, il portait la santé du général arménien.
(2)
Faustus de Byzance. 1. Y, c. 2.
(3)
Faustus de Byzance, 1. Y, c.
4.
(4)
Cette peuplade est souvent mentionnée dans les
anciens écrivains arméniens; on la trouve citée par Aga-
thange, sous la forme
Lepin,
Ai^iwiot (notre Collection,
t. I, p. 115, note 4 ) ; Pline donne aux Lephin le nom
de
Lubieni
(
H. N., VI, 10).
(5)
Moïse de Khorène (
Géogr.
dans Saint-Martin,
Mém. sur VArm.,
t, II, p. 356-357 ) les nomme
Khé-
pour.
(6)
Un msc. donne les variantes que voici : « les Hedj-
madag ( cf. Moïse de Khorène,
toc. cit.,);
les Poukour
(
Poukh, de Moïse de Khorène); les Idjamah (Ijmal de
Moïse de Khorène. — Cf. aussi Faustus, III,
7
);
les
Djoudj; les Kouz; lesKghouar; les Makouk; les Ouz;
les Scheghp; les Djighp; les Mazavan; les Kes; les
Souran. »
(7)
Faustus de Byzance (V, 4) raconte les choses d'une
manière toute différente et met les paroles de Mouschegh
dans la bouche de Méroujan Ardzrouni qui était au
Mouschegh, afin de lui faire connaître le projet
des rois. Mouschegh dit alors : «J'ai confiance dans
les prières de ' saint Nersès et leur orgueil sera
abaissé. » On ordonna aux soldats perses et huns
de se saisir des Romains et de les conduire dans
leurs payspour les employer dans les palais et les
forteresses ; mais de massacrer les soldats armé–
niens sans pitié, afin d'exterminer la race armé–
nienne , et pour que, [disait-il], ils ne nous tien–
nent pas sans cesse en haleine par leurs attaques.
L'armée des Arméniens et celle des Grecs se
réunit dans la plaine deNebadag
(1)
auprès du roi
d'Arménie, Bab; elles amenèrent aussi avec elles
le saint patriarche Nersès. Cependant Bab ne
donna point à Mouschegh le Mamigonien l'ordre
d'engager la bataille, disant : « C'est en perspec–
tive de cette journée que Mouschegh a délivré la
femme de Sapor ; il doit se révolter et il fera à
nos soldats plus de mal que les ennemis.
1/
Mous–
chegh se jeta aux pieds de.saint Nersès, et, le choi–
sissant pour intercesseur et médiateur, il lui prit
la main droite, fit des serments solennels, et di–
sait : « Jamais cette idée ne m'est venue à l'esprit,
comme tu le crois. » Saint Nersès dit à Bab :
«
C'est moi qui me fais aujourd'hui le garant de
ses fautes. » Le roi, ayant entendu ces paroles,
permit alors à Mouschegh d'engager le combat.
Saint Nersès veilla avec eux durant toute la.nuit,
et donna la communion à ceux qui étaient dignes
[
de recevoir] le corps et le sang du Seigneur. Le
brave Mouschegh apporta son armure de guerre
et ses armes à saint Nersès, pour qu'il les lui re–
mit lui-même. Tous les généraux arméniens et
grecs présentèrent également leurs armes à saint
Nersès pour qu'il les bénit avec le signe de la
croix ; il bénit leurs armes en les signant du
signe de la croix. Mouschegh prit l'écharpe de
saint Nersès, la noua au bout de sa lance et
marcha au combat. Alors saint Nersès gravit le
sommet du mont Nebad, étendit ses mains pures
vers le ciel, et, les tenant toujours élevées, il pria
Dieu.
Le général Mouschegh devança l'armée grecque
avec l'armée arménienne et il arriva avant elle
en face des troupes ennemies ; et, semblable au feu
qui dévore avec violence les roseaux, il sépara
l'armée des Perses de celle des Huns. Lorsque
Bab vit disparaître la bannière de Mouschegh, il
dit à saint Nersès : «• Malheur ! c'est toi qui as été
service de Sapor, et qui n'est pas mentionné dans notre
auteur.
(1)
Elle était située au pied du mont Nebad qui est
mentionné par Faustus (V, 4).
Fonds A.R.A.M