V I E DË SA
Après cela , Saint Nersès quitta le pays d'Ar–
ménie et se rendit dans la ville d'Edesse (Ourrha).
Quand le roi Arsace eut appris le départ du saint,
il trouva, parmi les prêtres attachés au palais, un
homme appelé Schounag ( i ) . 11 convoqua les
évêques du pays pour qu'ils l'ordonnassent pa–
triarche. Les évêques s'y refusèrent, à l'exception
de révoque de Karni, Georges; de révoque d'A-
ghdznik, Dadjad, et de l'évoque des Antzévatzi,
Siméon, qui consacrèrent Schounag comme pa–
triarche d'Arménie, à la place de Nersès. Celui-là
n'osait pas reprendre le roi, et consentait par
faiblesse à faire toutes ses volontés
(2).
X . Ensuite, les satrapes arméniens, les gouver–
neurs des provinces, les nobles, les chefs de fa–
mille et le peuple se révoltèrent contre Arsace
(3).
Le roi Arsace s'en alla alors volontairement trou–
ver Sapor, roi de Perse, accompagné de Vasag le
Mamigonien et de ses trois fils, dont le premier
s'appelait Manuel et le second Gon. L'aine s'en–
fuit et s'en fut rejoindre Nersès à Edesse ; il s'ap–
pelait Mouschegh le brave. Le roi des Perses, Sapor,
reçut d'abord avec honneur le roi Arsace et Vasag
le Mamigonien. Un jour qu'Arsace se promenait
dans les environs pour voir les chevaux du roi
Sapor, un prince (amira), chef des écuries de Sa–
por, lui dit en souriant : « Repose-toi, roi d'Ar–
ménie, sur ce tas d'herbe. » Vasag le Mamigonien
tira son glaive d'acier et lui dit : « C'est ainsi que
tu parles à mon roi ! » Et , le frappant à l'épaule, il
lui fendit le corps en deux parties. A cette vue,
Sapor fut saisi d'étonnement et loua Vasag à cause
de son dévouement à son maître
(4).
Après cela,
Sapor, excité par des magiciens et des hommes
perfides, [aux discours desquels] il prêta l'oreille,
fit enchaîner Arsace qu'il fit conduire dans le
Kouzistan ( Khoujasdan ) , au château appelé
une multitude de malfaiteurs de la pire espèce. Les sa–
trapes massacrèrent sans pitié tous les habitants, à
l'exception des enfants, que saint Nersès lit recueillir et
élever dans une bourgade, qui reçut plus tard le nom
de
Ouort.
(1)
Faustus de Byzance ( IV, 15) nomme cet intrus
Tchounag.
(2)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 15.
(3)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 1G, 50, 51.
Notre
auteur ne parle que d'un seul voyage d'Arsace à la cour
de Perse, tandis que Faustus dit positivement que le
roi d'Arménie se rendit deux fois chez le roi Sapor. La
première fois Arsace (Faustus, IV, 16), redoutant une
trahison, s'enfuit de la Perse, ce qui causa une guerre
terrible entre les deux royaumes ( Faustus, IV, 21 et
suiv.). La seconde fois, Arsace se rendit de nouveau en
Perse, pour répondre à l'appel de Sapor ( Faustus, IV,
53),
et c'est alors qu'il fut arrêté et jeté dans le château
de l'Oubli, comme on le verra plus loin.
(4)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 16.
ISTOR. ARMÉNIENS. — T. 11.
«
iT NERSÈS.
33
Anousch (de l'Oubli), où Arsace se tua avec le
glaive, comme Saiïl et Hérode
(1).
Ainsi s'accom–
plit pour lui la parole de l'homme de Dieu, Ner–
sès» Sapor ordonna qu'on massacrât Vasag dans
sa prison
(2)
.
Quant à ses fils Manuel, Gon
(3)
et
Hamazasb (4), il les investit de commandements
royaux à sa cour.
X I . Lorsque le grand Nersès apprit la mort
d'Arsace, i l vint trouver Théodose, empereur des
Romains, fit nommer roi Bab, à la place de son
père Arsace, et Mouschegh le brave pour rem–
placer son père Vasag (5). Ensuite i l emmena des
soldats de l'empereur Théodose et revint en
Arménie. Tous les Arméniens qui s'étaient dis–
persés se rassemblèrent alors auprès du pa –
triarche Nersès, du roi et du commandant de
l'armée. Cependant le roi des Perses. Sapor, p é –
nétra dans le pays d'Arménie avec ses femmes
et avec toutes ses forces, et il fit dresser des pyrées
(
adrouschan) dans les églises des Arméniens et
des Ibères (6).
Mouschegh, fils de Vasag, général des Arméniens,
fit le dénombrement de son armée et il trouva
[
qu'elle s'élevait] à
40,000
[
hommes]. I l apporta
ses armes à Nersès qui les bénit; et i l se disposa
à marcher au-devant de Sapor. I l ne restait plus
aux Arméniens d'auxiliaires romains
(7).
Mous–
chegh, général des Arméniens, tomba sur. l'armée
des Perses, et les attaquant avec fureur, il les
étendit morts [à ses pieds]. Sapor prit un dégui–
sement et s'enfuit sur un cheval. Mouschegh le
Mamigonien fit prisonnières la grande reine S i -
thilhorag, épouse du roi Sapor, et ses autres
femmes. I l s'empara aussi de cent généraux, leur
fit arracher la peau qu'il remplit d'herbe, et fit
porter [ces trophées] au roi Bab. Quant aux
femmes du roi Sapor, il les garda, ne permit à
personne de les approcher et les renvoya à Sapor.
Ensuite, Mouschegh parcourut l'Arménie et ren–
versait les pyrées qui s'y trouvaient. En revoyant
(1)
Procope,
de Bell, persic.,
1,
I , c. 5 (Éd. Paris,
p. 15 et suiv. ; Éd. Bonn, 1.1, p. 26 et suiv.). —Faustus
de Byzance, 1. IV, c. 54 ; 1. V, c. 7.
Notre Collection,
t. I , p. 268 et suiv., et la note 1, col. 1 de la page
273.
(2)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 54.
(3)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 37.
Le nom de
Gon est donné sous la forme
Goms
dans plusieurs msc.
de Faustus, et quelquefois aussi il est écrit
Gon
comme
dans le texte de notre auteur.
(4)
Hamazasb n'est pas nommé dans
Faustus.
(5)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
1.
I I I , C. 36. —
Cf. aussi Ammien-Marcellin, 1. 37.
(6)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 1.
(7)
Fauslus de Byzance, 1. V, c. 1.
3
Fonds A.R.A.M