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GÉNÉALOGIE Di
ses; et chacun admirait la prompte exécution de
sa prédiction (i).
Les Arméniens avaient aussi conservé des habi–
tudes païennes. Ainsi, à la mort d'une personne,
ils se déchiraient le visage, en désespérés; le sang
coulait en abondance, et c'est ainsi qu'ils accom–
pagnaient leurs morts. En outre, ils se mariaient'
entre proches et parents consanguins, par suite
de leur impiété et en vue de propager leur propre
race. Le grand Nersès abolit cette coutume en
Arménie et défendit le mariage entre parents jus–
qu'au cinquième degré. Au temps du bienheu–
reux Nersès, toute l'Arménie ne formait qu'une
seule famille, car il se donnait en exemple à tout
le pays comme un pasteur dont la vie n'excita ja–
mais le scandale
(2}.
VII. Après cela, il arriva qu'Antog (3), prince
de Sic-unie, eut une fille du nom de Pharandzem
que l'on donna en mariage à Knel l'arsacide, cou–
sit! du roi Arsace. Sa réputation de beauté se ré–
pandit dans tout le pays, car il n'y avait aucune
femme aussi belle, aussi modeste et aimant pas–
sionnément son époux. Lorsque Dirith, cousin
d'Arsace, vit sa belle-sœur Pharandzem, il s'éprit
d'amour pour elle et cherchait tous les moyens
pour perdre le jeune Knel, et pouvoir arriver à
épouser Pharandzem. Dirith s'associa à d'autres
hommes pervers qui le calomnièrent auprès du
roi, en disant : « Le jeune Knel vint vous assas–
siner. » Le roi crut à ces dénonciations et il mé–
ditait dans son cœur le projet de tuer le jeune
Knel ; cependant il n'osait pas le faire publique–
ment par crainte de saint Nersès.
Lors de la féte de saint Jean-Précurseur ^Gara-
bed) (4) qui avait été instituée par Grégoire l'Illu-
minateur, on se réunit dans le canton de Karni à
Schahabivan. La troupe du roi s'y trouvait aussi,
et on y amena également le grand Nersès pour
qu'il célébrât la féte. Ce jour-là, le jeune Knel y
vint aussi avec toute sa famille. Or, quand le roi
fut informé de sa venue, il envoya au-devant de
lui des troupes armées, portant l'épée, dissimulées
parmi des fantassins n'ayant que leurs boucliers.
Dès qu'ils l'eurent rejoint, [les soldats] firent
descendre le jeune Knel de sa monture, lui liè–
rent les mains derrière le dos et le conduisirent
au supplice. Sa femme Pharandzem, voyant cela, se
(1)
Faustus de Byzance, I. IV, c. 14.
(2)
Faustus de Byzance, 1. V, c. 31.
(3)
Faustus de Byzance (IV, 15) le nomme Antov, et
dit qu'il était un des vassaux du chef de la famille de
Siounie.
(4)
Cette fête se célébrait aumois de
navassart
(
Faus–
tus,
IV, 15. )
i SAINT GRÉGOIRE.
mit à crier et courut trouver saint Nersès qui cé–
lébrait l'office et n'avait pas encore achevé les
prières du matin. Pharandzem pénétra près de loi
et lui annonça le sort réservé à son mari. Elle
embrassa les pieds de saint Nersès et, les mouil–
lant de ses larmes, elle disait : « Hélas ! je suis
perdue, aie pitié de moi, saint archevêque ! lejeune
Knel que tu aimes, mon époux, va m'être enlevé
sans avoir commis aucune faute ! Dieu soit béni,
je ne quitterai pas tes pieds jusqu'à ce que tu ne
montres à mes yeux obscurcis mon innocent
époux, le jeune Knel. Accours sans tarder, saint
patriarche, viens de suite, car on sépare le jeune
sarment de la vigne; viens de suite, car on im–
mole le juste avec iniquité; arrive vite, saint pa–
triarche ; arrive au secours de Knel qui est aban–
donné; arrive vite, saint homme de Dieu, car la
brebis innocente est parmi les loups; elle est trou–
blée, et elle est sans espérance ; il n'y a pas de
pasteur qui puisse secourir ce jeune homme, et
les bétes n'ont pas pitié de lui! »
Saint Nersès se mit à verser des larmes, inter–
rompit l'office du matin et se rendit à la hâte au–
près du roi, dans la demeure royale. Pharandzem
portait ses vêtements et son bâton afin qu'il se bâ–
tât encore. Saint Nersès lui ordonna de l'attendre,
de peur que le roi, épris de sa beauté, n'écoutât
point son intercession en faveur de Knel. Lors–
qu'on vit venir saint Nersès dans le camp, cha–
cun sortit de sa tente et vint au-devant du pa–
triarche, qui traversait les rangs pour arriver en
toute hâte auprès du roi. Le roi, ayant su qu'il
venait intercéder en faveur de Knel, pour qu'on
lui laissât la vie, se couvrit aussitôt la figure
comme s'il dormait et se retourna sur le côté, afin
de ne point entendre les prières de saint Nersès
et donner le temps [à ses bourreaux] d'assassiner
Knel. Saint Nersès le secoua par les mains sur son
trône et l'attira vers lui ; mais le roi se laissa aller
comme un mort et ferma les yeux. Alors saint
Nersès se leva aussitôt, et, se pressant à la ma–
nière d'un courrier, il courut lui-même afin d'ar–
river au secours de Knel et ordonna qu'on lui
amenât un cheval. A peine arrivé au camp, sur–
vint aussitôt le chef des bourreaux
(1)
qui entra
en disant : < Nous avons, moi et ceux qui m'ac–
compagnaient, exécuté l'ordre du roi ; nous avons
tué le jeune Knel sur la petite colline près du
mur de la réserve des bêtes fauves
(2). »
(1)
Faustus (IV, 15) le nomme Érazmag.
( 2 )
Faustus (IV, 15) dit -. « sous les murs de Sious. »
Tout ce récit est emprunté à Faustus de Byzance,
mais il diffère de celui que nous a transmis Moïse de
Fonds A.R.A.M