VIE
DE SA
et de la foule considérable du peuple. Là se trou–
vait un archiprétre de l'église de Césarée appelé
Basile, sur lequel plana la colombe qui voletait
au-dessus de lui. Lorsque Nersès monta sur le
siège, la colombe prit son vol et vint se poser sur
la tête de Nersès, et elle y resta jusqu'à la fin de
la sainte ordination. Pendant que ce prodige
avait lieu, le patriarche Eusèbe resta lui-même
plongé dans un grand étonnement qui dura plu–
sieurs heures. Tout le peuple s'écria alors : « Cet
homme est digne du patriarcat, parce que l'Es–
prit de Dieu s'est reposé sur lui, comme autrefois
sur le Sauveur au Jourdain, et sur les Apôtres dans
le cénacle. » La foule grandit [dans l'Église] et les
soldats arméniens, qui étaient avec saint Nersès,
avaient peine à la contenir. Le moment des
heures étant arrivé, le saint patriarche Nersès
célébra la messe ; on vit de loin une colonne de
feu descendre des cieux sur l'église, à l'endroit
même où Nersès officiait; on entendit aussi les
voix des troupes célestes qui l'accompagnaient en
chantant des louanges trois fois saintes. Lorsque
la messe fut achevée, on se rendit au banquet, et
le visage du grand Nersès rayonnait comme celui
du chef des prophètes, Moïse, sur lamontagne. A
cette vue, l'étonnement des spectateurs s'accrut
encore ( i ) .
A la suite de ces prodiges, et [après avoir
reçu] des présents magnifiques et des cadeaux des
princes grecs et du bienheureux évéque Eusèbe,
l'escorte des Arméniens se mit en route avec son
patriarche. Lorsque les habitants des pays des
Grecs et des Syriens connurent les miracles qui
avaient éclaté en la personne du grand Nersès,
ils commencèrent à le suivre pour recevoir sa bé–
nédiction. Ils se présentaient à lui, en disant :
«
C'est l'homme que le Saint-Esprit, sous la forme
d'une colombe, a déclaré être un véritable pa–
triarche. » On amenait à ses pieds beaucoup de
lépreux, d'infirmes, de malades et de possédés,
qui recevaient de sa main leur guérison ; et toutes
les populations félicitaient le pays d'Arménie, à
cause de ce saint homme.
A Sébaste, saint Nersès s'arrêta en plusieurs
endroits, et fit construire beaucoup d'églises. Aus–
sitôt on envoya au roi Arsace huit princes, afin
de l'informer de l'arrivée de Nersès. Ces princes
étaient : le prince d'Ankegh, le prince de Dzop,
le prince des Arscharouni, le prince des Bagrati-
des, le prince d'Antzid, le prince des Ardzrouni,
leprince des Mamigoniens, et le prince des Resch-
douni, qui rencontrèrent le roi dans la province
(1)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 3.
ÏNT NERSÈS.
25
d'Ararat. Le Toi Arschag, accompagné de ces
princes et d'une foule immense, vint au-devant
de saint Nersès, jusqu'à la montagne d'Arioutz (du
Lion). Le roi et le patriarche se rencontrèrent, et
le pays des Arméniens fut dans l'allégresse. On
conduisit Nersès, et on le fit monter sur le siège
de l'apôtre Thaddée et de son ancêtre Grégoire.
Ainsi furent renouvelés le siège et l'héritage de la
Grande-Arménie et de la race d'Azkanaz ( i ) .
IV. Saint Nersès travaillait et enseignait selon la
parole de l'Évangile et il se prodiguait en faisant
le bien pour l'Arménie.
Je dois dire pourquoi les Arméniens allaient
chercher la consécration à Césarée. Lorsque le
pays d'Arménie échut en partage à l'apôtre
Thaddée, celui-ci vint d'abord chez le roi Abgar
à Édesse (Ourrha), et il illumina le pays. Mais,
comme Césarée avait toujours été sous la domi–
nation des Arméniens, l'apôtre Thaddée se rendit
aussi dans cette contrée, et, lorsqu'il eut converti
[
les habitants], il ordonna prêtre et évéque l'un
de ses disciples, du nom de Théophile, qu'il éta–
blit comme chef spirituel ; puis il se rendit en Ar–
ménie. C'est pour cette raison que les Arméniens
allèrent demander leur consécration à Césarée
jusqu'au concile de Chalcédoine.
V. Après avoir été consacré à Césarée, le grand
Nersès revint en Arménie et il renouvela l'inves–
titure des princes arméniens qui avait été éta–
blie par Chosroès (Khosrov) et les autres rois;
puis il établit l'ordre [des préséances] à la table
du roi Arsace. 11 y avait quatre cents sièges, sa–
voir : les Haïgazni
(2)
;
les Barthévian (Parthes) ;
les Araradian (Araratiens)
5
les Pakradouni ( Ba-
gratides); les Dikranouni (Tigraniens); les Asbé-
douni
(3);
les Makhazouni; les Khorkhorouni ;
les Ardzrouni ; les Mamigoniens; les Siouniens;
les Amadouni; les Ankéghian; les Ibères
(
Virk); les Dzop; les Varajnouni; les Martbe-
douni
(4)
;
les Vahévouni ; les Bahlavouni ; les Gasp
(
Caspiens) ; lesSisanesen ; les Gatmian ; lesManava-
zian; les Étésian (Édessiens) ; les Kamrian (Cappa-
dociens) ; les Peznouni ; les Sasanian (Sassanides) ;
les Kison; les Egéghian; les Kavbédouni: les
Antzdiaï; les Sébasdian ; les Aschdischadian; les
(1)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 3.
( 2 )
Les descendants d'Haïg.
(3)
C'était une famille issue de la même origine que
les Bagratides, et qui devait son nom au titre
à'asbed
«
général de la cavalerie » dont avait été investi Paka-
rad, sous le règne de Vagharschag (Moïse de Khorène,
1.
II, ch.
3
et
7).
(4)
Les Martbedouni étaient issus de la famille du chef
des eunuques,
Martbed.
Fonds A.R.A.M