afin de la diriger dans* les combats, et plaça ses
trois frères sous ses ordres, avec le titre de chi-
liarque (hazarabed).
Ces Mamigoniens devinrent ainsi généraux ; ils
livraient des combats, et mettaient en fuite les
armées rangées en bataille. Ils tiraient l'arc et
portaient l'aigle ; leurs lances et leurs boucliers
lançaient des éclairs; ils avaient un coeur à l'é–
preuve , ne faiblissant jamais dans les combats ;
Ils étaient intrépides dans la mêlée, justement
renommés par leur vaillance, et misant flotter
leurs bannières à la hampe de leurs lances. Dès
que la fidèle famille des Mamigoniens eut été ap–
pelée au commandement de l'armée, on les voyait
tous voler au combat, semblables au feu qui tour–
billonne aumilieu des roseaux.
I I I . Après cela, le pays d'Arménie et le roi
Arsace tinrent conseil [relativement aux choses]
divines, et particulièrement à la famille de saint
Grégoire. Les satrapes et lés grands de l'Arménie,
les races et les parents [du roi], les porte-enseigne
des seigneurs de tout rang, les gouverneurs des
provinces, les généraux, les gardiens des fron–
tières, les évéques, les prêtres et toute la foule du
peuple se rassemblèrent chez le roi, et, étant tous
tombés d'accord, ils dirent au roi Arsace : « Puis–
que Dieu a renouvelé par toi le trône des Arsa-
cides et le commandement en chef des troupes
dans l'illustre famille des Mamigoniens, il faut
aussi restaurer le siège patriarcal par la race de
saint Grégoire, afin de purifier et d'illuminer les
mœurs de l'Arménie. » Le roi répondit : « Cette
question me préoccupe également. » Alors toute
la foule désigna par son nom le jeune Nersès, fils
d'Athénogène, fils cVIousig, fils de Verthanès, fils
de saint Grégoire. Dans son enfance, il avait été
élevé et instruit par des maîtres fidèles et il s'était
marié pour donner un successeur au siège [pa–
triarcal]. Après avoir vécu trois ans avec sa
chaste épouse Santoukhd de la famille des Mami–
goniens, il en eut Sahag. A la mort de sa femme,
il vint trouver son parent le roi Arsace, qui le
nomma son chambellan et son conseiller pour
les affaires de la royauté. Nersès était d'une taille
élevée; il possédait un visage agréable et son air
était imposant; il craignait Dieu et prenait soin
des pauvres. I l sollicitait la miséricorde du roi
pour les gens opprimés et calomniés, et il se
chargeait de nourrir les orphelins et les veu–
ves (i). I l portait la bague munie du sceau du
roi.
Tout le'peuple cherchait Nersès pour le mettre
(1)
Faustus de Byzance, 1. IV, c. 3.
à la téte du siège patriarcal de l'Arménie. Lors–
qu'il eut été amené en présence du roi et qu'il'eut
entendu les acclamations du peuple, il se tint au
milieu de la foule et commença à s'accuser faus–
sement de péchés et d'impiété, [en disant] qu'il
était indigne du ministère. La foule, ayant en–
tendu ces paroles, poussa des clameurs et dit :
«
Ce pécheur et cet homme indigne sera notre
pasteur et notre chef spirituel; il.doit monter sur
le siège de l'apôtre saint Thaddée et du grand pa–
triarche Grégoire. » On s'empara de lui ; mais il
répétait encore : « Vous placez, comme média–
teur entre Dieu et les hommes, un pécheur qui
,
a
commis une foule de crimes, et je vous le dis
pour que vous en soyez honteux. Vous tenez ma
vie entre vos mains, mais je ne suis point digne de
l'honneur que vous me faites. Que Dieu vous
donne un supérieur et un chef selon votre espé–
rance! » Ayant entendu ces paroles, la foule
comprit que c'était par crainte de Dieu qu'il par–
lait de la sorte. Alors tous, avec le roi, crièrent
ensemble : « Que vos péchés retombent sur nous
et sur nos têtes; que vos actes retombent sur
nous et sur nos enfants ! Mais acceptez de nous
le ministère [spirituel qui est l'héritage] de vos
pères. »
Voyant qu'il ne pouvait plus rien objecter,
parce que la foule persistait [dans sa résolution],
Nersès se mit à faire des reproches aux soldats :
«
Vous êtes des impies et des lâches qui haïssez
vos maîtres; des infidèles, des assassins de vos
maîtres; vous.êtes des criminels endurcis, des dé–
lateurs, des ennemis de vos amis; vous êtes des
traîtres envers vos maîtres et des rebelles. Non,Je
ne puis pas devenir votre pasteur, car aujour–
d'hui vous m'aimez sans raison, et demain vous
me haïrez; je serai pour vous un ennemi et je de–
viendrai une massue que vous appelez sur vos
têtes. Comment pourrai-je élever mes mains vers
Dieu pour le prier en faveur d'une nation dont
les mains meurtrières sont souillées du sang des
innocents; comment pourrai-je devenir le chef
d'une nation quia abandonné le Seigneur Dieu? »
Nersès dit tout cela et d'autres choses encore de–
vant le roi, les princes et l'immense foule du
peuple. Le roi, étonné, gardait le silence. Alors
Nersès dit de nouveau : « Laissez-moi vivre en
paix, selon ma position et mes péchés, en atten–
dant le châtiment qui suivra le jugement. »
L'assemblée reprit alors : « Pardonnez-nous
nos péchés comme votre maître [Jésus-Christ]
pardonna à ses bourreaux, car nous n'avons point
péché envers vous, comme ceux-là ont péché en–
vers Celui qui était leur maître. Et vous, tout pé -
Fonds A.R.A.M