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GORIOUN.
jours le même genre de vie pour la gloire de la
très-sainte Trinité*
Dans ce temps-là,.un homme exclu du con–
cile d'Éphèse, et qui s'appelait Théodore [de
Mopsueste], ayant acquis des livres conformes aux
hérésies de Paul de Samosate et de Nestorius,
livres rédigés pour les simples et les crédules,
vint dans notre pays et voulut y enseigner la
perverse hérésie. A cause de cela, le saint con–
cile envoya des lettres pour prévenir Sahag et
Mesrob, défenseurs delà vraie foi. Ceux-ci chas–
sèrent avec empressement hors de leur pays cet
hérétique opiniâtre [et ses adhérents], pour
qu'aucune vapeur diabolique ne vint se confondre
avec la doctrine lumineuse (i).
Après cela, il arriva que le bienheureux saint
Sahag, patriarche des Arméniens, mourut après
une vie droite, une foi irréprochable, rempli de
jours, ayant pendant longtemps éclairé le pays
d'Arménie par un enseignement; lumineux. Il se re–
posa dans le Christ, la première année de Iezded-
jerd I I , fils de Bahram (Vram), roi de Perse
(2),
dans le canton de Pakrévant, au village de
Plour
(3),
à la fin du mois de navassart, à la
troisième heure du jour, qui était aussi le jour
anniversaire de sa naissance. Ainsi le vieillard
exhala son âme pure en Christ, avec des psaumes
et des prières, et dit : « Je confie mon âme pure
entre vos mains, » selon la parole du premier
martyr, et il mourut de même, en recommandant
sa personne et le troupeau de ceux qui demeu–
raient à la garde de Dieu qui conserve tout.
Ses disciples, élevés par lui, prirent aussitôt son
corps, le revêtirent de ses ornements [pontifi–
caux] selon les règlements des funérailles des pa–
triarches. Le nom du premier de ces disciples
était Jérémie
(4),
homme saint et craignant Dieu,
qui était accompagné d'autres disciples et de la
femme de Vartan le Mamigonien
(5).
Ayant pris
le corps du bienheureux avec une grande foule
d'évéques, de prêtres, de diacres, de lecteurs, ils
le transportèrent en chantant des psaumes, des
(1)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. ui,
ch.
61.
(2)
Iezdedjcrd II, fils de Bahram Y , régna de 440 à
447.
(3)
Cette localité est mentionnée par Lazare de Pharbe
(
Hist. d'Arm.,
p. 6 3 ) , Moïse de Khorène (III, 6 7 ) ,
Jean Catholicos. — Cf. aussi Indjidji,
Arm. anc.,
page 412.
(4)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.
,
liv. m,
ch.
67.
(5)
Cette princesse s'appelait Tesdrig. » Cf. Moïse de
Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. ni, ch. 67.
•
hymnes, des louanges et des chants spirituels,
dans le canton de Daron, au village de Aschdi-
schad. Là, ils déposèrent en grande pompe
les restes du saint homme de Dieu dans les
tombeaux des saints, sous l'autel des martyrs,
et ils y apposèrent le signe de la croix. Après
avoir célébré la mémoire du saint, en chantant
la gloire et les louanges de Dieu, chacun s'en
retourna. On fêta l'anniversaire de la fête du
saint, le
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o
dumois de navassart, avec un grand
concours de monde; et, par l'intercession du
saint patriarche, chacun obtient ce qu'il deman–
dait au Seigneur de tout.
Quand le bienheureux, je veux dire le saint
docteur Mesrob, son collègue, eut appris cette
nouvelle, il fut chagriné et attristé ; il pleurait
sur cette séparation,!sur la mort de l'homme de
Dieu et sur l'extinction de la race de saint Gré–
goire. Il était incertain et consterné de ce grand
malheur, d'autant plus qu'il ne rencontrait chez
personne aucun effort de piété pour continuer
la doctrine lumineuse et la grâce de la direction
dans lesquelles [Sahag] excellait et était plus par–
fait que les premiers saints Pères. Réfléchissant à
tout cela, il était embarrassé, et se lamentait
parce qu'il ne trouvait personne qui voulût tra–
vailler en commun à l'œuvre de l'Arménie. En
tout ceci,,il pensait à Dieu et se consolait avec le
Psalmiste : « Celui qui a tout fait, peut tout chan–
ger par sa sagesse et sa providence impénétra–
bles. » I l se livrait de plus en plus aux exercices
de la vie religieuse ; il surpassait tous les autres
religieux, et selon la vocation divine il s'était
rangé de bonne heure parmi les saints les plus
élevés, par la grâce du Christ.Il exhortait tous
ses disciples à prendre courage, à se livrer à la
pratique du bien, et il rappelait à chaque per–
sonne par de bons conseils de se tenir sur ses
gardes vis-à-vis de chacun, de se conduire et de
vivre avec prudence; de telle sorte que beaucoup
de personnes trouvèrent la pratique des mœurs
religieuses très-lourde et difficile. Mais lui, tout
vieillard qu'il était, il oubliait le passé et mar–
chait en progressant. En se rappelant la mort
prochaine, il ne laissait pas reposer ses paupières,
et n'accorda aucun repos à ses yeux, jusqu'au
jour où il fut appelé à quitter le monde.
Tandis qu'il excitait ainsi l'ardeur spirituelle
du prochain à l'amour de Dieu, il adressait
beaucoup de lettres instructives dans toutes les
provinces. La même année, le dixième mois après
la mort du bienheureux saint Sahag, le dix-hui–
tièmejour deméhégan, la mort visita le saint doc–
teur des Arméniens, dans la province d'Ararat,
Fonds A.R.A.M