BIOGRAPHIE
Arménie (i). Là, il trouva le patriarche saint
Sahag occupé, avec la grâce du Christ, à des tra–
ductions du syriaque, car on manquait de livres
grecs, ceux du pays ayant été brûlés par Mérou-
jan, à l'époque du partage de l'Arménie (a), et
les gouverneurs perses ne permettaient à aucun
des habitants de leurs domaines [conquis] d'ap–
prendre la littérature grecque, mais seulement la
langue syriaque. Pour cette raison, le saint pa–
triarche Sahag et le bienheureux Mesrob, ne sa–
chant que faire, se dirigèrent vers l'ouest de la
juridiction patriarcale, dans la partie [de l'Ar–
ménie qui appartenait] aux Grecs.
Saint Sahag envoya vers l'empereur Théodose
[
le Jeune] et le patriarche Atticus, Mesrob et son
neveu Vartan, avec des lettres (S), pour les infor–
mer de leur arrivée et [de leur intention de
doter] les habitants du pays [soumis aux Grecs]
de la nouvelle science de l'enseignement armé–
nien. Les deux voyageurs rencontrèrent le général
Anatole, qui leur fit un brillant accueil, car il
connaissait déjà la réputation de Vertu des bien–
heureux Sahag et Mesrob (4) ; aussi il informa d'à*
vance par des lettres l'empereur, "qui lut donna
l'ordre d'envoyer etde lui achemineravec honneur
et distinction à Byzance [les voyageurs]. Ceux-ci
se présentèrent devant l'empereur et le patriarche
qui conféra à Mesrob [le titre de] prédicateur
(
égéghésigdigos) (5), et il le fit ranger parmi lés
plus illustres et bienheureux
vartabed
(6).
Étant partis munis de lettres, Mesrob et Vartan
vinrent retrouver saint Sahag et le général Ana–
tole» Ceux-ci, ayant pris connaissance des lettres
et des ordres, furent très-satisfaits, et adressèrent
au Seigneur et au Dieu de tout des actions de
grâces. [Le général] s'empressa aussitôt de mettre
les ordres à exécution, en les faisant connaître
(1)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. m,
ch.
54.
(2)
Cf. Faustus deByzance,
Bibl. hist. arm.,
liv. iv, ch.
23, 24,
dans le I
e r
volume de notre Collection. — Moïse
de Khorène,
Hist. d'Arm.
,
liv. m, ch. 54.
(3)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. m, ch. 5 7 .
Cf. aussi ces lettres dans la
Petite Bibl. arm.,
t. Il,
p.
157, 158.
(4)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.
liv. ni, ch. 57 .
Petite Bibl.
arm., t. II, p.
158-159.
(5)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. m, ch.
57. —
Le titre d'éxxXy]<r(a?nfc était une fonction de
l'Église d'Orient et s'appliquait aux « docteurs de l'en–
seignement religieux et aux prédicateurs ».
(6)
Le titre de
vartabed
signifie en arménien mo–
derne « docteur en théologie »; mais, dans l'ancienne
langue arménienne, ce titre avaitune signification encore
plus élevée et s'appliquait spécialement aux Pères de
l'Église arménienne ou aux savants qui illustrèrent à la
fois et l'Église et les lettres nationales.
DE MESROB.
i l
dans les provinces et les villes de l'Arménie qui
étaient soumises à la domination de l'empereur.
Puis, ayant rassemblé beaucoup d'enfants dans
différentes localités, il leur donna des subsistances
et des appointements sur le trésor publie, pour
qu'ils pussent se livrer exclusivement à l'étude.
Le bienheureux Mesrob développait au milieu de
ses disciples son enseignement lumineux ; îl ap–
prenait aux enfants réunis les caractères alpha–
bétiques, et il établit des docteurs pour les dis–
ciples, afin que peu à peu ils les conduisissent
jusqu'au terme des études (i).
Après cela, Mesrob entreprit de combattre la
secte téméraire et insolente des Borborides (a),
et ceux qui ne se rendaient pas à la parole de vé–
rité étaient livrés à de terribles supplices : la
prison, les chaînes et toutes sortes de tourments.
Lorsqu'après cela ces hommes hais de Dieu re–
fusaient de marcher vers leur délivrance, on les
brûlait, on les enfermait et on les chassait du
pays, chargés de toutes sortes d'ignominies.
Le bienheureux, ayant commencé et terminé
son enseignement, ayant acquis beaucoup de
livres grecs, écrits avec la grâce divine par les
Pères de l'Église, comblait les profondeurs de la
doctrine et la répandait chez les habitants du pays
avec un amour spirituel pour la gloire de la très-
sainte Trinité.
Après cela, Mesrob, ayant confié tous [ses dî-
cipleset sesfidèles]à la grâce de Dieu qui conserve
tout, s'en retourna du côté de l'Arménie. Il allait
partout, affermissant les disciples dans la vérité
de la foi. PttfS il vint trouver saint Sahag, lui ra–
conta ce qu'il avait fait, et tous deux ensemble
glorifièrent Dieu pour les nouvelles grâces qui
leur avaient été accordées d'en haut. Ensuite, les
deux bienheureux travaillèrent encore avec l'as–
sistance de Dieu à augmenter et à développer la
littérature de leur nation, à traduire et à écrire
des livres. En conséquence, ils envoyèrent deux
de leurs disciples, Eznig (3) et Joseph
(4),
dans
la ville d'Édesse, pour qu'ils traduisissent de
(1)
Moïse de Khorène,
Hist, d'Arm.,
liv. m, ch. 58.
(2)
Secte gnostique qui parut au deuxième siècle et
qui niait le jugement dernier. — Cf. saint Epiphane,
Hxres.,
25 , 26.
Saint Augustin,
Hxres.,
ch. 5 . —
Baronius,
Ann. eccles., ad ann.
120,
n° 5 7 . — Le mot
arménien
porporianos
est la transcription du mot grec
pop&peo;
«
boue, fange » que Moïse de Khorène a aussi
transcrit sous la forme
porporidon
(
liv. m, ch. 57 ) .
(3)
Il s'agit d'Eznig de Goghp, l'auteur de la
Réfuta–
tion des hérésies
(
Venise, 1826 ) en arm., dont M. Lé-
vaillant de Florival a donné une traduction française
("
Paris,
1853).
(4)
Cf. plus haut, p. 10, note 4.
Fonds A.R.A.M