GORIOUN .
BIOGRAPHIE DU BIENHEUREUX ET SAINT DOCTEUR MESROB.
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P O « S
Nous vous entretiendrons [ici] des dons divins
[
octroyés] au pays d'Arménie et à la race d'Askha-
naz ( i ) , de l'invention des caractères alphabé–
tiques, et de la conversion accordée par le Sei–
gneur; [nous vous dirons] en quel temps elle eut
lieu, quel fut l'homme éclairé qui l'accomplit,
et nous parlerons de sa vertu et de ses mœurs.
Cet homme s'appelait Mesrob; il était fils de
Vartan
(2)
et originaire du canton de Daron, du
village de Hatségatz
(3).
Dans, son enfance, il
s'était appliqué à l'étude de la littérature grecque,
et vînt à la cour des monarques arsacides ar–
méniens, pour être employé dans les archives
royales où il devint chancelier des ordonnances
du souverain. C'était un homme instruit, versé
dans la connaissance des affaires civiles et mi–
litaires, et dont la conduite était dirigée par un
jugement très-sain; c'est pour cela qu'il était
cher aussi bien aux grands qu'aux petits.
I l embrassa ensuite le service de Dieu, resta
l'ami des hommes, et se déchargea de tous ses
emplois pour prendre la croix glorieuse; et, selon
le précepte évangélique, il marcha sur les traces
du Christ crucifié qui vivifie tout. Ayant accompli
les commandements, i l se mêla au groupe des
disciples du Christ, qui portent chacun leur
croix, et en embrassant pour toujours la vie re–
ligieuse, il se fit moine suivant le précepte de
l'Évangile ; il endura beaucoup de misères, et, en
se livrant à tous les devoirs spirituels, il supporta
la soif et la faim, le froid et le dénûment. I l se
nourrissait d'herbes, portait le cilice et dormait
sur la terre. Souvent, sans y prendre garde, i l
veillait debout, sans profiter du repos de la nuit,
(1.)
Les Arméniens prétendent descendre d'Askha-
naz, fils de Gomer, fils de Japhet, fils de Noé. — Cf.
Moïse de Khorène,
Hist. d?Arm.,
liv. I, ch. 22.
—
Jean
Catholicos,
Hist. d'Arm.,
ch. 4 et 6..
(2)
Mesrob, surnommé Maschdotz, naquit en l'année
361
de notre ère et mourut le 13 du mois de méhégan de
l'an 441, à l'âge de quatre-vingts ans. On suppose qu'il
appartenait à la famille des Mamigoniens ( Emin, tra-
duct. russe de
YHistoire de Moïse de Khorène,
p. 362,
note 1).
(3)
Indjidji,
Arm. une.,
p. 104.
9
et cela durant de longues années. Ayant rencontré
quelques gens modestes, i l se les adjoignit pour
en faire ses disciples selon l'Évangile dans la vie
monastique. Il endura avec un courage très-ferme
toutes les tentations auxquelles i l fut en butte; il
parvint ainsi à s'éclairer et à s'illuminer dans les
pratiques religieuses, et i l devint [par cela même]
cher à Dieu et aux hommes
(1).
Ensuite le bienheureux, accompagné de ses
disciples, se rendit dans le canton de Koghtèn
(2).
Le prince Schampith (3) vint au-devant de lui,
le reçut avec amitié comme le serviteur du Dieu
glorifié, et il le servit avec piété selon la foi des
disciples du Christ. Le bienheureux, développant
aussitôt les grâces de la prédication, enseigna les
habitants de la ville et du canton avec l'agrément
du prince. En effet, i l y avait encore chez ceux-ci
quelques restes des habitudes païennes, mais il
les convertit à la connaissance de la vérité et il
les illumina tous avec la parole de la grâce. De
grands miracles s'accomplirent par son entre–
mise : des démons, prenant des formes diverses,
poussaient des cris et faisaient résonner [la nou–
velle] de leur expulsion à toutes les oreilles; ils
s'enfuirent du côté de la Médie
(4).
Aussi les
disciples du bienheureux écoutèrent plus atten–
tivement leur docteur spirituel [lorsqu'il prê–
chait] la foi et la conduite [à tenir] qui leur était
enseignée dans les Saintes-Écritures des saints
Pères qui avaient approché le Christ.
Cependant, comme il n'y avait pas de carac–
tères [propres à] la langue arménienne, on éprou–
vait une grande difficulté pour prêcher la vérité
aux néophytes. Le bienheureux docteur, ne sa-
(1)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. I I I ,
ch. 47.
(2)
Cf. Indjidji,
Arm. une.,
p. 212.
(3)
Schapith ou Schapath est mentionné par Moïse de
Khorène, dans son
Hist. d'Arm.,
liv. III, ch. 47. —Cf.
aussi Tchamitch,
Hist. d'Arm.,
1.1,
p. 489. — Lebeau,
Hist. du Bas-Emp.
(
éd. Saint-Martin), t. V, liv.
XXVIII,
§, 32.
(4)
Cf. Moïse de Khorène, liv. ni, ch. 47 et 57. — Il est
question, quelques pages plus loin, des Borborides, aux
croyances desquels Mesrob fit une guerre acharnée.
Fonds A.R.A.M