quelles on essaya de nous créer un alphabet. »
Plus loin Vartan ajoute qu' « Abel emprunta
[
à cet alphabet] dix-sept lettres, après en avoir
laissé cinq qu'il lui avait été impossible de trans–
crire. » Si l'on compte ces dix-sept lettres et les
dix-neuf (six voyelles et treize consonnes) qui
furent révélées, au dire de la légende, par Dieu à
Mesrob, on obtient le nombre trente-six, qui est
en effet le chiffre exact des lettres de l'alphabet
mesrobien, puisqu'il faut, de toute nécessité,
passer sous silence les deux caractères ajoutés
plusieurs siècles plus tard, à la série des signes
graphiques arméniens.
Le
Vartanàkirhh
nous fournit un précieux ren–
seignement : c'est la liste des dix-neuf lettres ré–
vélées par Dieu à Mesrob, autrement dit les ca–
ractères nouveaux ajoutés à l'ancien alphabet. Ces
lettres sontsixvoyelles : u/,
#?, /
r,
t-
f
et treize
consonnes: p , i j ,
£, tf, 5,
Z
,
X,
j
9
tfi.
Il est facile maintenant de retrouver les
dix-sept lettres choisies par Abel dans l'alphabet
syriaque
composé
de vingt-deux lettres; ce sont,
par conséquent :
q,
£ , ^ , Z_,
t'y
k,<,J"
9
MM,
u£,
n-
y
u
y
in,
qui, ajoutées aux dix-neuf
lettres deMesrob, nous donnent le total exact des
trente-six lettres, formant l'ensemble de l'alpha–
bet arménien arrêté par saint Sahag et ses collabo–
rateurs, au cinquième siècle.
Pour compléter les renseignements que nous
fournissent les écrivains arméniens sur le travail
d'élaboration entrepris par les premiers docteurs
chrétiens, en vue de créer l'alphabet national, il
faudrait raconter les détails des conférences
tenues par saint Sahag et le roi Vram-Schapouh
avec les savants qui concoururent à la découverte
des caractères graphiques, les voyages entrepris
par Abel et par Mesrob, les péripéties sans nombre
que ce dernier éprouva lorsqu'il était à la re–
cherche des lettrés qui pouvaient le seconder
dans son travail, son découragement, la vision di–
vine qu'il eut à Samosate
(1),
enfin l'aide qu'il
reçut du cénobite Rufin, qui lui suggéra très-
vraisemblablement la pensée de faire entrer les
voyelles grecques dans le nouvel alphabet, en
même temps que cet habile calligraphe traçait
avec un
halam
élégant les formes des nouveaux
caractères; mais ces détails sont trop connus
pour qu'il soit nécessaire de les reproduire ici.
Nous renvoyons donc le lecteur aux sources ori–
ginales, et notamment à « l'Histoire » de Moïse de
Khorène (a), et à celle de Gorioun que nous pu–
blions ci-après, où les faits sont longuement ra–
contés par des hommes qui en furent les témoins
oculaires, et concoururent les premiers à répandre
l'usage du nouvel alphabet qui, malgré quelques
résistances locales (3), fut accepté bientôt dans
toutes les parties de l'Arménie, comme un bien–
fait de la Providence divine.
VICTOR LANGLOIS.
(1)
Les copistes des manuscrits ont tous écrit Saraos,
nom d'une lie de l'Archipel, au lien de Samosate, ville
de la Syrie, voisine de l'Arménie.
(2)
Liv. III, ch. 52, 53, 60 et 67.
—
Cf. aussi Lazare
de Pharbe,
Hist. d'Arm.,
ch. 5,6. —
Collect. des Hist.
arm.; dise, prélimin.,
p. xv et xvj.
(3)
Jean Mamigonien, continuation de
VHistoire de
Daron
de Zénob de Glag (en arm. ), p. 59, et
Coll. des
ÈUt. de FArm.,
1.1,
p. 382.
Fonds A.R.A.M