rois païens de race arménienne (i). Mesrob com–
pléta ce qui manquait [à ces anciens caractères] avec
la coopération de la grâcedivine
(2),
»
On lit dans
un
Osguéporig
ou « Mélanges », plus connu sous
le nomde
Tartankirhh
ou « Recueil de Vartaii»
(3),
des renseignements plus développés sur l'alphabet
arménien que ceux contenus dans « l'Histoire
universelle » du même auteur. Ces renseigne–
ments sont extraits d'un petit traité élémentaire,
rédigé par Vartan le Grand, à la prière du roi
Héthoum I
e r
,
gendre de Léon II, et intitulé : « So–
lutions de passages de l'Écriture-Sainte. » Voici
comment s'exprime Vartan : « Quelles sont les
lettres octroyées par Dieu ? Ce sont : six voyelles
et treize consonnes (qu'il énumère ), en tout dix-
neuf. Telles sont lés lettres véritablement et cer–
tainement inventées. En effet, les Syriens étaient
soumis à nos rois. Or ils ont vingt-deux lettres
avec lesquelles on essaya de nous créer un alpha–
bet. I l existait anciennement des caractères ar–
méniens, mais en petit nombre, et, comme on ne
pouvait s'en servir, on les abandonna et ils tom–
bèrent dans l'oubli. Plus tard, les ayant recher–
chés, on les trouva chez un certain Daniel,
évéque syrien. Sahag et Mesrob lui députèrent
un prêtre syrien, nommé Abel, qui les rapporta ;
mais, comme ce qu'il apporta ne contenait pas
toute la richesse de la langue, Mesrob retourna
auprès du même évéque Daniel. Ils travaillèrent
beaucoup, mais sans pouvoir rien obtenir de
plus, parce qu'Abel avait déjà emprunté dix-
sept lettres, après en avoir laissé cinq, qu'il lui
avait été impossible de transcrire. Quand ils es–
sayaient de les transcrire dans notre langue, ces
cinq lettres n'avaient pas d'emploi. C'est pour–
quoi, ayant eu recours à la prière, Mesrob vit
d'un œil prophétique une main droite écrivant
et dont les légendes sont conçues en caractères phéni–
ciens. Ces sortes de médailles se rencontrent encore fré–
quemment dans la Cilicie, et elles ont été souvent dé–
crites. — Cf. H. de Luynes,
Numismatique des satra–
pies et
delàPhénicie;passim.
(1)
Le mot
haïgazan
peut se prêter à deux interpré–
tations différentes ; on peut traduire « rois païens
de
race arménienne
»
ou bien encore, « de la race d'Haïg. »
Nous préférons la première traduction qui est plus lo–
gique.
(2)
Vartan,
Hist. univ.
(
en arm. ), p. 50 de redit, de
Venise.
(3)
Manuscr. delà Biblioth. impériale.; fonds arm. anc,
n° 12.
—
Cf. aussi Journal Asiatique (févr.-mars 1867),
p. 199 et suiv.
sur une pierre. Toutes les particularités et les qua–
lités des lettres se gravèrent en son cœur, et sur-
le-champ il créa dix-neuf lettres. Quant à ce
qu'on les appelle les
sept,
on les nomme ainsi à
cause de leur excellence, parce que ce sont des
voyelles, et qu'elles sont comme l'âme des autres.
Mais pourquoi dit-on les sept, puisqu'il n'y a que
six voyelles? parce que la lettre ç existait chez
les Syriens et que Mesrob la prit de Daniel. C'est
pour cela qu'on lui en attribue aussi l'invention.
Cependant il reçut de l'homme la seule lettre ç .
et les dix-neufautres de Dieu. Mais, à cause delà
très-grande importance des sept, on ne mentionne
que celles-là et l'on tait les douze autres. Tenez
ceci pour certain
»
Il résulte de tous ces témoignages d'époques
très*différentes, i° qu'il existait un alphabet ar–
ménien que nous appellerons ancien, qui parait
s'être conservé chez l'évéque syrien Daniel, dont
il porte improprement le nom, et
2
0
qu'il y eut,
parmi les lettrés arméniens, un travail d'élabo–
ration , en vue de former un alphabet plus com–
plet que le précédent. C'est ce second travail qui
amena, grâce à un concours de circonstances
particulières, parmi lesquelles la tradition fait in–
tervenir la divinité, la découverte de Mesrob, ou
pour mieux dire la formation définitive de l'al–
phabet arménien de trente-six lettres.
Il nous restemaintenant à déterminer le nombre
de lettres dont se composait l'ancien alphabet.
Selon Vartan, il se composait de vingt-deux
lettres, c'est-à-dire d'un nombre égal à celui des
lettres de l'alphabet syriaque. Selon Assoghig, ce
nombre était de vingt-neuf lettres; mais, bien que
ces chiffres soient différents en apparence, cepen–
dant il est facile de voir qu'au fond le nombre
de lettres est le même chez les deux auteurs, car
Assoghig a compris, dans le nombre qu'il donne,
les sept voyelles introduites plus tard par Mesrob
dans l'alphabet national. Le chiffre des vingt-
deux lettres dont se composait l'ancien alphabet
n'est pas douteux. Or, quelles pouvaient être ces
yingt-deux lettres? Nous croyons, d'après le
passage du
Vartanàkirhh
que nous avons rapporté
plus haut, que ces lettres sont celles dont se
compose l'alphabet syriaque; car il y est dit
formellement et sans qu'il puisse subsister aucun
doute dans l'esprit : « Les Syriens étaient soumis
à nos rois. Or ils ont vingt-deux lettres, avec les-
Fonds A.R.A.M