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INTRO
et dont il a reproduit souvent des passages. Aussi
quelques critiques ont-ils émis l'opinion que Go-
rioun était peut-être le traducteur de l'ouvrage
d'Agathange, en arménien. C'est une question qui
est loin d'être tranchée, et le manque de rensei–
gnements précis à cet égard nous oblige à ne
point discuter un sujet aussi délicat, et pour le–
quel les avis sont très-partagés
(1).
L'histoire de Mesrob par Gorioun a été pu–
bliée pour la première fois à Saint-Lazare de
Venise, en i833, dans la « Collection des clas–
siques arméniens », t. I I I , avec les Œuvres de
Mampré et de David le Philosophe. Les RR. PP.
Mékhitaristes en ont ensuite donné une seconde
édition, en i854 , dans la « Petite Bibliothèque
choisie », t. XI , qui est préférable à la première.
C'est sur ce nouveau texte qu'a été faite la traduc–
tion que M. J . Raphaël Emine a entreprise. I l
existe une traduction allemande de la « Vie de
Mesrob » par Gorioun, due à M. leD
r
B. Welte,
et qui fut publiée à l'occasion du vingt-cinquième
anniversaire de l'avènement au trône de Wurtem–
berg, du roi Guillaume i " (a). Cette traduction,
qui fut entreprise sur le texte publié en i833
par les Mékhitaristes de Venise, est enrichie de
notes nombreuses. Seulement nous ferons obser–
ver que cette version n'est pas toujours très-
fidèle, et que l'auteur a fait, à plusieurs reprises,
des suppressions qui nuisent à l'intelligence du
texte.
§ I I . L'invention des caractères alphabétiques
arméniens, qui est traitée dans le livre de Go–
rioun, est trop importante pour que nous ne
nous y arrêtions pas quelques instants, d'autant
plus que le récit de notre auteur est parfois en–
touré d'une telle obscurité qu'il est nécessaire
de le résumer ici sous une forme plus intelligible.
Nous avons déjà exposé, dans le « Discours pré–
liminaire » placé en tête du premier volume de
notre Collection, l'histoire abrégée de la décou–
verte de Mesrob ; mais les détails que nous avons
groupés dans ce travail sont très-peu circons-
(1)
Sukias de Somal,
Quadro delta storia lelteraria di
Armenia,
pag.23.— G. F. Neumann.
Versucheiner Gesch.
der armen. Litteratur,
page 30. —Nazarian,
Hist. de
la littér. armen.,
jusqu'au treizième siècle (en russe), p.
45
et suiv. (Kazan, 1844). —Karékin,
Hist. de la lit t.
armén.,
pag. 201 et suiv.
(2)
Goriun's Lebensbeschreibung des ht. Mesrop... \
(
Tubingen, 1841, in-4°), 52 pages.
[
tancics, ce qui nous permet de revenir sur la
question et de l'élucider complètement. Le sa–
vant arrnéniste russe, M. J . -B. Émine, auquel la
science est redevable d'un grand nombre d'im–
portantes publications, et qui a enrichi notre pre–
mier volume d'une excellente traduction de la
«
Bibliothèque historique » de Faustus de By-
zance, a exposé dans un mémoire très-détaillé
l'origine et la découverte des caractères alphabé–
tiques arméniens
(1).
Dans les temps qui précé–
dèrent l'introduction et le triomphe de la foi.
chrétienne en Arménie, on se servait dans ce pays
de
signes a"écriture,
«
nechankh » ou « nechana-
kirkh ». Aussitôt après l'établissement de la re–
ligion du Christ, on voit apparaître un premier
alphabet très-imparfait, désigné sons le nom de
daniélien
,
puis un second, complété et perfec–
tionné, connu sous la dénomination de
mesro-
bien.
Mais dans l'intervalle du temps qui sépare
les
signes,
des deux alphabets daniélien et mes-
robien, les Arméniens se servaient de caractères
empruntés à des idiomes étrangers, à savoir des
lettres de l'alphabet perse, vraisemblablement
pehlvi,
de caractères syriaques et grecs.
Les
signes d'écriture
sont mentionnés deux
fois dans 1' « Histoire de Tiridate » écrite par
Agalhange
(2).
M. Emine suppose que
ces signes
devaient être, ou des caractères cunéiformes ou
des hiéroglyphes; mais nous aimons mieux y
voir une sorte d'écriture tironienne qui permet-
tait de transcrire rapidement les paroles d'un in–
terrogatoire , comme cela a dû avoir lieu préci–
sément, dans les passages du livre d'Agathange
où il fait mention de ces signes. « Les secrétaires
du roi Tiridate enregistrèrent avec des
signes
d'écriture,
tout ce qui avait été dit par le saint
homme (Grégoire l'illnminateur), » et plus loin r
«
Ils arrivèrent avec des
signes d'écriture,
et,
après avoir consigné toutes ses paroles (de sainte
Hripsimé), ilsles lurent devant le roi. » Agathange
est le seul écrivain arménien qui parle de ces
signes,
et, à défaut de renseignements plus précis, on en
est réduit à des conjectures. Quant à l'emploi des
(1)
Emine,
Hist. de Moïse de Khorène,
trad. en russe,
pag. 361 et suiv. «
Mémoire sur VaVph. armén,*
(
Mos-
kou, 1858). —Revue de l'Orient, 1865;
De l'alph.
arm.,
trad. franc, du mémoire précédent.
(2)
Hist. de Tiridate
(
en armen. ), p. 85 et 136 de
Tédit. de Venise, et « Gollect. des hist. de l'Àrm., »
t. I, p. 143 et note 2.
Fonds A.R.A.M