INTRODUCTION
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I . Gorioun, surnommé
SkhansckeU
(
l'Ad–
mirable ), appartenait à la classe des seconds tra–
ducteurs (i). I l fut envoyé avec Ghévont à By-
zance, quand Eznig de Goghp et Joseph de Ba-
ghin étaient déjà dans cette ville, occupés à des
traductions. Gorioun se rendit ensuite à Jérusa–
lem avec Entzag
(2),
et revint en Arménie, où,
bientôt après, le patriarche saint Sahag (3) le
consacra évéque des Géorgiens, et l'envoya dans
la contrée des Ibères, pour y répandre les lu–
mières de la foi. I l mourut, à ce que Ton croit,
en Géorgie; mais on ne saurait dire rien de po–
sitif à cet égard, car ses contemporains ne don–
nent aucun détail sur la vie et sur les occupations
de Gorioun, à partir du moment où il quitta
l'Arménie, pour se rendre dans son diocèse de l'I-
fcérie.:
En dehors des traductions auxquelles travailla
Gorioun (4), on possède une
Histoire de saint
Mesrob,
qu'il rédigea à la prière du patriarche
Joseph (5). Cet ouvrage, qui est la source prin–
cipale d'informations que nous possédions sur
l'histoire littéraire arménienne depuis la fin du
quatrième siècle jusque dans le courant du cin–
quième, ne peut cependant pas être considé–
rée comme la biographie complète de Mes–
rob. En effet, la vie de ce personnage présente
deux phases bien distinctes : la première partie
de la vie de Mesrob se passa à la cour d'Armé-
(1)
Voir le
Discours préliminaire
du I
e r
volume de
la «
Collection des Historiens arméniens
»,
page xxiij.
(2)
.
P. Karékin,
Hist. de la littérature arm.
'
en ar–
ménien), 1.1, page 201.
(3)
Ce patriarche occupa le siège pontifical de l'an 390
à Van 428, époque à laquelle il rat déposé et exilé par
les Perses. Il fut rétabli en 439, mais il n'occupa que
fort peu de temps son siège.
(4)
Karékin,
Hist. de la littérature arm.,
1.1,
page
188, 201
et suiv.
(5)
Joseph I (Iouseph) d'Hoghotsim, dans le pays de
Vaïots-Dzor, occupa le siège pontifical de l'an 441 à l'an
452.
Il avait exercé, pendant la vieillesse de saint Sahag,
les fonctions de coadjuteur du trône patriarcal, que Mes–
rob avait occupées depuis la restauration de Sahag jus–
qu'au moment où la mort vint le surprendre.
nie, quand i l était investi de la charge d'archi–
viste de la cour; et la seconde, lorsqu'il quitta le
palais, pour entrer en qualité de disciple auprès
de saint Sahag, Gorioun ne parle en aucune
façon de la première phase de la vie de Mesrob,
ou du moins ce qu'il en dit se borne à fort peu
de chose. En effet, i l donne lui-même le mo–
tif de son silence en expliquant au lecteur que,
dans la biographie de son maître, il a seulement
voulu parler de ses travaux spirituels et de son
enseignement, et qu'il a laissé complètement de
côté les actes de sa vie dans le monde, lors–
qu'il occupait un emploi dans l'armée, comme
quelques auteurs le prétendent, ou, ce qui est le
plus vraisemblable, alors qu'il était investi des
fonctions d'archiviste dans le palais d'Arsace IV
et de Chosroès II
(1).
C'est surtout la seconde
phase de la vie de Mesrob que Gorioun a eu en
vue de mettre en relief. Dans son histoire, il
s'attache à retracer minutieusement les résul–
tats de la découverte des caractères alphabé–
tiques due à Mesrob. Le style de Gorioun, qui
est fort élevé, offre cependant des obscurités et
des tournures difficiles à saisir, et ses pensées
demeurent quelquefois incompréhensibles. On
doit croire que ce défaut n'appartient point en
propre à Mesrob et qu'il faut en rejeter la faute
sur les copistes, qui, en différents endroits de
son livre, ont mit des suppressions regrettables,
sans s'apercevoir que le morceau retranché par
eux, ayant une valeur précise, rendait la pen–
sée de l'auteur tellement obscure qu'il est sou–
vent impossible de saisir le sens exact de ses
paroles.
L'histoire de Mesrob, que Gorioun a compo–
sée, a une très-grande ressemblance pour la
composition et pour le style avec celles d'A-
gathange et de Faustus de Byzance, mais surtout
avec l'Histoire du secrétaire de Tiridate, à la*
quelle l'auteur a fait des emprunts considérables,
(1)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
Hv. III, ch. 47.
1*
Fonds A.R.A.M