dans un suprême effort, essayait, mais en vain, de se relever. C'est alors qu'au
milieu de ces dernières convulsions le christianisme triomphe, par la double
action de l'éloquence et de la vertu. Quand les Arméniens arrivèrent en Grèce,
la révolution était consommée depuis longtemps déjà ; mais le souvenir des
grandes luttes du paganisme et -du christianisme était encore présent à la mé–
moire de tous. Si le triomphe de l'Evangile était un fait à jamais accompli, ce–
pendant certains esprits, convaincus ou obstinés, luttaient encore contre la foi
nouvelle, et des philosophes païens tenaient école, malgré les édits impériaux
et en dépit des sévérités de la loi ( i ) .
L'Ecole d'Athènes, qui avait fleuri au quatrième siècle sous Julianus, Proé-
résius (le rhéteur Barouïr l'Arménien), Himérius et quelques obscurs étrangers,
Héphestion, Diophante, Epiphane, Sopolis et Parnassius, était en complète
décadence à la fin du quatrième siècle, tandis que l'Ecole d'Alexandrie prolon–
geait un peu sa durée.
Les disciples de saint Sahag et de saint Mesrob assistèrent encore aux le–
çons des philosophes et des rhéteurs païens et aux réfutations que les orateurs
sacrés faisaient entendre du haut de la chaire chrétienne. I l n'en fallait pas tant
pour frapper l'imagination des jeunes voyageurs, car, même à cette époque de
décadence, l'Eglise qui combattait les sophistes leur confia jusqu'à la fin de
nombreux disciples , dont elle fit des évêques. Et en effet il serait injuste de
refuser à la Grèce ce don de la beauté, ce charme suprême qui se répand sur
toutes les œuvres de ses écrivains et de ses orateurs. Ce fut dans ce milieu que
les disciples de Sahag et de Mesrob se trouvèrent placés ; et alors on s'explique
pourquoi on les voit traduire de préférence les écrits d'auteurs de la décadence
avec lesquels ils vécurent (2), plutôt que de s'attacher à la lecture de ces an–
ciennes et brillantes productions du génie grec, dont ils semblent avoir méconnu
l'importance.
Au moment où les Arméniens fréquentaient les écoles grecques, le goût
était très-corrompu , la séve hellénique était tarie ; les sophistes et les rhéteurs
qui professaient dans les académies avaient fait oublier les philosophes et les
orateurs du grand siècle, et même les noms des plus illustres écrivains de la
Grèce antique étaient relégués au second plan, tandis que ceux d'absurdes
sophistes , de rhéteurs insipides, justement oubliés aujourd'hui, étaient placés
au premier rang par toute une génération d'admirateurs enthousiastes.
Si l'on se rend compte exactement de ce qu'étaient les écoles de la Syrie et
de la Grèce aux quatrième et cinquième siècles, on est étonné du médiocre
contingent que les maîtres de cette époque fournissent à la littérature
(3)
;
et
sans les Pères de l'Eglise, qui pendant un certain temps soutinrent l'hon-
(1)
Procope,
Hist. secr.,
XXVI, 74. - Zonaras,
Annal.,
XIV, 6. - Cf. aussi Petit de JuHeville,
VEcole d'Athènes au quatrième siècle après Jésus-Christ
(
Paris, 1868), ch. V , pag. 108 et suiv., et
l>ag.
128
et
suiv. -
(2)
Cf. notre Collection, t. I ;
Disc.prélim.
,
pag. XXV et suiv.
(3)
£f. Petit de JuHeville,
VEcole d'Athènes au quatrième siècle après Jésus-Christ, passim.
Fonds A.R.A.M