e querelles savantes entre les disciples de Mesrob et certains lettrés arméniens
qui, n'ayant pas quitté le pays et se considérant comme les dépositaires et les
conservateurs de la langue nationale, s'opposèrent énergiquement aux ré–
formes que le parti des hellénistes voulait y introduire.
Tant que les premiers traducteurs se contentèrent de donner, des versions lit–
térales des textes sacrés syriaques et grecs, l'influence de ces deux idiomes n'é–
tait pas à redouter, et nous avons la preuve que les premières traductions faites
en arménien n'offrent aucune trace de néologisme et de l'emploi d'une syntaxe
.
étrangère ( i ) . Mais une fois que les disciples de saint Sahag et de saint Mes–
rob eurent fréquente les écoles grecques de la Syrie, de l'Egypte et de la Grèce,
on s'aperçoit bien vite que les influences helléniques pénètrent profondément
dans la langue des livres, et y laissent leur empreinte tracée en caractères
ineffaçables.
Les auteurs dont les œuvres historiques se trouvent réunies dans ce volume
sont, comme nous l'avons dit, des hellénistes qui avaient suivi, à Antioche, à
Edesse, à Alexandrie, à Athènes, à Constantinople
(2)
,
les leçons où des maî –
tres célèbres, la plupart rhéteurs et sophistes, professaient devant un nombreux
auditoire qui remplissait alors les écoles. Ces éco l es , purement séculières, ne
possédaient point de chaire de théologie ; c'était comme le dernier écho de
l'antique splendeur du génie de la Grèce , une sorte d'asile où la jeunesse stu–
dieuse de tous les pays venait puiser la connaissance des sciences humaines
et approfondir l'étude de la langue grecque, pour laquelle les Arméniens mon–
traient une si vive prédilection (3). Si les premiers disciples envoyés dans ces
écoles n'eurent d'autre mission que de recueillir les textes des Livres Saints,
des œuvres des Pères de la primitive Eglise et d'apprendre les lettres grecques
et syriaques, pour être à même d'en donner des versions fidèles, les seconds
disciples , tout en se conformant aux traditions de leurs aînés , commencèrent
à prendre un intérêt très-marqué à 1 étude des sciences philosophiques et de
ia rhétorique. Voici comment s'explique cette abondance d'ouvrages sur la
philosophie et la rhétorique des Grecs, ces traductions de livres d'Aristote ,
de Porphyre, etc., que nous fournit la littérature arménienne au cinquième
siècle (4).
Malheureusement à cette époque, et depuis plusieurs siècles déjà, la langue
et la littérature helléniques portaient l'empreinte d'une décadence rapide, dont
la marche ne fit qu'augmenter avec les siècles. La société païenne s'écroulait
sous les coups hardiment portés parla religion nouvelle, qui grandissait sur ses
ruines. La civilisation se trouvait aux prises avec la barbarie, et le paganisme,
(1)
Cf. notre Collection, 1.1,
Disc, prélim.,
pag. xij.
(2)
Théodose II, qui tenait à encourager les lettres, fonda l'Académie de Constantinople, le 27 février
425.
Il ouvrit vingt chaires de grammaire, dix pour la langue latine et autant pour la langue grec–
que, huit chaires de rhétorique, cinq pour le grec et trois pour le latin, une pour la philosophie et
deux pour la jurisprudence. (Lebeau,
Hist. du Bas-Empire
,
éd. Saint-Martin, t. V I , pag. 14.)
(3)
Lazare de Pharbe,
Hist. d'Arm.,
ch. 3 (pag. 261 de ce vol.)*
(4)
Cf. les Œuvres de David le Philosophe (Venise, 1833, in-8*) en arm.
Fonds A.R.A.M