viij
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
chaïque incontestable, il n'en est pas de même des œuvres originales et des tra–
ductions de la seconde période de ce cycle, c'est-à-dire des ouvrages composés
par les disciples que saint Sahag et saint Mesrob envoyèrent en Syrie (i) en
Egypte et enGrèce, pour se perfectionner dans l'étude des langues syriaque et
grecque. L'influence que ces études étrangères, exerça sur 1 idiome national fut
considérable, et les modifications que subit durant le cinquième siècle la lan–
gue arménienne amenèrent, pour ainsi dire, une transformation radicale dans
les règles de la grammaire et de la syntaxe
(2)
.
Une rhétorique nouvelle , une
foule de néologismes empruntés aux Grecs, joints à d'autres innovations lin–
guistiques, transformèrent presque Subitement le langage national, qui devint in–
compréhensible pour les masses. Cette révolution opérée dans la langue donna
naissance à un idiome savant, dont les prêtres seuls avaient le secret, puisqu'il
cette époque la caste sacerdotale était dépositaire exclusive de la science. On
murmura beaucoup contre cette révolution opérée dans le langage par les dis–
ciples de saint Sahag et de Mesrob (3) ; une réaction s'opéra, et l'idiome natio–
nal dégagé de toute influence hellénique reprit le dessus à partir du sixième
siècle. Malheureusement d'autres phénomènes identiques se produisirent dans le
langage des Arméniens : la présence des Perses dans le pays introduisit une
foule de mots et de locutions qui altérèrent plus que ne l'avait fait le grec
l'idiome national. Alors la langue s'altéra profondément, et une foule de dia–
lectes prirent naissance dans les différentes provinces de l'Arménie. C'est à ce
moment que la langue vulgaire prit le dessus et parvint d'abord à éclipser, puis
ensuite à faire oublier l'idiome littéral, dont le clergé lui-même, à part quel–
ques rares exceptions, comprenait à peine le sens. Nous ferons , dans un autre
volume , l'histoire des différentes évolutions de la langue vulgaire et de ses dia–
lectes , quand nous donnerons les traductions des chroniques rédigées par des
annalistes qui écrivaient dans des provinces fort éloignées Tune de l'autre, et
dont le style offre des contrastes qu'on est étonné de trouver chez des auteurs
vivant dans le même siècle , parlant la même langue et professant les mêmes
doctrines religieuses.
Les historiens dont nous publions les œuvres dans ce volume appartiennent
tous à l'école des seconds traducteurs, formés par saint Sahag et saint Mes
rob (4) ; aussi on remarque dans les écrits qu'ils nous ont transmis l'influence
de la culture des lettres grecques. Seulement, chez les uns cette influence est
moins sensible que chez les autres, et il est bien évident qu'Elisée, par exemple,
semble avoir résisté plus encore que Moïse de Khorène à cet entraînement pour
l'hellénisme. Cet enthousiasme pour les lettres grecques devint en effet la cause
(1)
L'École d'Édesse était la plus célèbre de la Syrie; mais il y avait aussi d'autres centres intellec–
tuels, à Séleucie et à Bérythe. Ces écoles étaient publiques et théologiques. Junilius
(
Epist. ad Prima-
tium)
en parle en ces termes : « ... ubidivinaJex permagistros publicos... regulariter traditur. »
(2)
Cf. notre Collection, 1.1,
Disc, prélim.
,
pag. xxiv.
(3)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Ârm., ) .
I, ch. 2, 3.
—
Lazare dePharbe,
Hist. d?Arm.
t
ch. 9;
(
pag. 235 de ce vol.).
. (4)
Cf. notre Collection, 1.1,
Disc, prélim..,
pag. xxiij et suiv.
Fonds A.R.A.M