DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
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de la littérature arménienne embrasse environ deux siècles : il
commence avec le règne de Tiridate et l'apostolat de saint Grégoire, et se ter–
mine dans les dernières années du cinquième siècle , c'est-à-dire au moment
où l'Arménie, soumise définitivement au joug des Perses, eut à supporter pen–
dant une longue domination le despotisme d'un ennemi cruel, qui voulait lui
imposer sa religion et son idiome.
Bien avant l'époque dont nous parlons, l'Arménie avait une littérature très-
brillante et qui avait acquis son plus haut degré de développement au moment
où le christianisme fit son apparition dans le pays (i). Cette littérature profane
et païenne, qui est aujourd'hui complètement anéantie, et qui se composait
d'ouvrages en prose et en vers, dont nous ne connaissons que quelques frag–
ments très-courts
(2)
,
ne perdit rien de son caractère archaïque par l'introduc–
tion du nouveau culte. Les écrits des premiers auteurs appartenant à la généra–
tion convertie à la doctrine [de l'Evangile apportèrent, il est vrai, quelques
modifications dans le langage , parce que le clergé introduisit des expressions et
des idées nouvelles, mais au fond l'idiome national, en passant du profane au
chrétien, demeura intact et resta complètement à l'abri de toute influence étran–
gère. C'est dumoins ce que l'on doit conjecturer en lisant les œuvres originales de
l'apôtre de l'Arménie et celles des premiers Pères de l'Eglise nationale, les pre–
mières versions des Livres Saints et en général tous les écrits qui datent du qua–
trième siècle et des premières années du cinquième. L'idiome arménien chré–
tien que parlaient et qu'écrivaient les premiers convertis ne peut donc être con–
sidéré que comme le prolongement de la langue nationale profane et païenne ;
et, à défaut de monuments appartenant à cette dernière époque, les textes de la
première période du christianisme nous offrent un spécimen fort précieux de la
langue des Arméniens païens.
Certes, il eût été à désirer que les anciens monuments littéraires de l'Arménie
païenne fussent parvenus jusqu'à nous , et on devra toujours déplorer la perte
de cet ensemble considérable d'ouvrages en prose et en vers formant comme
les anneaux de cette
chaîne d'or
qui, partant de l'époque des premiers Arsacides,
se déroule jusqu'au moment où l'Arménie, privée de ses rois, courbe la tête
sous le joug d'un dominateur impitoyable.
Si les premiers écrits du cycle de
Yâge d'or
portent avec eux un caractère ar-
(1)
Cf. le Discours préliminaire du t. I de notre Collection, pag. ix.
(2)
Cf. Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm. ; passim.
Lettres de Grégoire Magistros ;
lettr.
48',
adres–
sée à Grégoire, évéque de Mog., msc. arm. de S. Lazare de Venise et de M. J . B. Emin. —
Cf.aussi le
Journal asiatique
(1869),
notre
Mémoire sur Grégoire Magistros,
et tirage à part, pag. 53.
Fonds A.R.A.M