I N T R O D U C T I O N .
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qu'il enseigna, comme l'ancien sabéisme, l'exis–
tence des esprits sidéraux résidant dans les sept
planètes et surtout dans le soleil et la lune, dont
l'union mensuelle conservait le monde, en lui
donnant des forces nouvelles (i). Saint Épiphane
complète ces renseignements en ajoutant que
Bardesane enseigna que le Christ n'avait pas eu
un corps véritable, mais qu'il s'était uni à une
sorte de fantôme descendu du ciel et qu'il nia la
résurrection des corps
(2).
Si les débuts de la carrière de Bardesane furent
heureux et brillants, si, durant les longues années
qu'il vécut à la cour des toparques, il jouit du pres–
tige éclatant qui entourait le favori du trône, s'il
se plaisait, comme le dit saint Ephrem, à déployer
un grand luxe dans ses vêtements et une grande
recherche dans toute sa personne, i l arriva un
moment où la fortune sembla lui retirer les fa–
veurs qu'elle lui avait prodiguées. Caracalla, en se
rendant en Mésopotamie, au retour de l'Egypte,
détrôna Abgar X , fils de Maanou X ( Mannus ) ,
et hiverna à Edesse
(3)
,
après avoir réduit en
province romaine la toparchie d'Osrhoène. Cet
événement força Bardesane à quitter sa patrie
afin d'échapper aux persécutions que ses doc–
trines , opposées à celles des Romains, auraient
inévitablement attirées sur lui. I l partit pour
l'Arménie, où i l essaya d'implanter ses croyances,
mais i l paraît qu'il ne put y parvenir (4). Alors
il employa ses loisirs à compulser les archives
du fameux temple d'Aramazd à An i , et i l puisa
dans l'Histoire des Temples les éléments d'une
Histoire d'Arménie, dont un long fragment nous
a été conservé par Moïse de Khorène
(5).
L'avénement au trône impérial du Syrien
Elagabal rouvrit à Bardesane les portes d'É-
(1)
Ephrem,
Hymn.,
LV, p.
558.
(2)
Épiphane,
Hxres.,
LVI . —
Philosophumena,
liv. VI,
11,
35.
(3)
Hérodien, liv. IV, ch.
21.
—
Dion Cassius,
in
fragm. apud Zonar.,
t. I, p.
613,
et
apud Xiphil.,
p.
352 ;
cf. aussi liv. LXXVII et
excerpt. Vat,
p.
746.
—
Ma
Numismatique de l'Arménie dans Vantiquité,
p.
77.
(4)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Armén.,
liv. II, ch.
66.
(5)
Hist. de l'Arménie,
liv. II, ch.
61
à
65
inclus. —
Cf. aussi le
P.
Karékin Djimedjian (
Histoire de la litté–
rature arménienne
(
en arménien), Venise,
1865,
p.
79),
'
où ce savant mékhitariste a résumé ce que Moïse de
Khorène nous apprend sur la vie de Bardesane et sur ses
écrits.
desse. C'est à ce moment que Ton doit croire
que "Bardesane écrivit le « Traité du Destin »
d.ans lequel i l a pour adversaire, dans son d i a –
logue, un philosophe du nom d'Avida ou Abida.
Les fragments qu'Eusèbe nous a conservés de ce
Traité, dans sa Préparation évangélique
( 1 )
et
dont i l existe aussi des extraits dans les
Récogni–
tions
du pseudo-Clément
(2),
dans Caesarius
(3
j
et dans Georges Hamartolos
(4)»
appartiennent,
selon Cureton, à l'ouvrage dont il a publié inté–
gralement le texte syriaque dans son
Spicilége
9
sous le titre de « Livre de la loi des contrées
(5) ».
Cependant les variantes très-considérables et les
additions nombreuses qu'on remarque, en com–
parant les trois textes, ont suggéré aux savants
de l'école allemande, et notamment à M. Hilgen-
feld, la pensée que le « Livre de la loi des con–
trées » , tel que Cureton l'a publié, devait être
une composition postérieure à Bardesane, dont
l'auteur serait un de ses disciples, nommé P h i –
lippe , qui parle à la première personne, tandis
que Bardesane n'intervient qu'à la troisième. De
même que Socrate, qui n'écrivit point les d i a –
logues de Platon, bien qu'il y jouât le rôle p r i n –
cipal, Bardesane ne paraît pas non plus avoir
rédigé le « Livre de la loi des contrées » , bien
qu'il y figure comme un maître au milieu de ses
disciples
( 6 ) .
Les mêmes critiques supposent avec
raison que lamention de la campagne de l'Arabie
par les Romains, que l'on croyait devoir reporter
à l'époque de Marc-Aurèle, en
170
de notre ère,
s'applique plutôt à l'occupation de cette pro–
vince par Septime Sévère, vers
200.
Un point
non moins capital, en faveur de l'opinion de
M. Hilgenfeld, touchant la rédaction, postérieure .
à Bardesane, du « Livre de la loi des contrées »,
c'est que ce critique a démontré qu'en compa-
(1)
Liv. VI, ch.
10, 6
et suiv.
(2)
Ch. IX, p.
19
et suiv.
(3)
Question.,
47, 48.
(4)
Chron. (Anecd. grxc,
Oxon., edid. Cramer,
t. IV), p.
236
et suiv.
(5)
Cureton,
Spicilegium syriacum,
p.
1
et suiv.,
ad
calcem.
(6)
Le début du « Livre de la loi des contrées » ne peut
laisser aucun doute à cet égard
«
H avait ( Barde -
«
sane) l'habitude, chaque fois qu'il nous trouvait en
«
conversation sur n'importe quel sujet, de nous de -
«
mander : « Que disiez-vous? » afin qu'il pût prendre
«
part à la discussion. »
Fonds A.R.A.M