H I S T O I R E ANC I ENNE D E L'ARMÉNIE.
mettent en fuite son armée. L e sang coulait sur
la terre à flots pressés, comme des torrents de
pluie. Depuis ce moment, le pays fut en paix et
soumis à Valarsace. Les Macédoniens cessèrent
alors toute attaque.
X X X I . (CH. VI . )
Valarsace organise les parties occidentales et sep–
tentrionales de notre pays.
L'expédition ainsi terminée, Valarsace organisa
les provinces de Majak, du Pont et des Colches
(
Ekératzi). I l va au pied du Barkhar dans le
Daïk
(1),
dans des lieux marécageux, couverts de
brouillards et remplis de forêts et de mousses. I l
donne à la contrée une forme nouvelle, aplanit
les terrains accidentés, change la brûlante chaleur
en une douce température et en fait le séjour de*
délices de son empire. Là il prépare des résiden–
ces d'été quand il ira au nord. I l transforme en
parcs deux plaines boisées, entourées de collines,
pour le plaisir de la chasse. I l destine le climat •
chaud de Gogh
(2)
aux plants de vignes de l'Armé–
nie et à des jardins. Je voudrais ici, pour un prince
si cher, dire toutes choses avec détail et clareté ;
mais j ' a i seulement signalé en passant les localités,
laissant de côté les particularités et les formes du
style, afin de conserver indissolubles les liens de
mon amour pour un aussi admirable prince.
Alors Valarsace convoque les populations étran–
gères et barbares, celles du nord de la plaine,
celle de la base de la grande chaîne du Caucase,
celles qui sont les plus enfoncées dans les vallées
d'une large et profonde étendue, en descendant
de la montagne qui est au sud jusqu'à l'entrée de
la grande plaine. Valarsace ordonne à cette mul–
titude de renoncer à ses brigandages et à ses ruses,
et de se soumettre aux lois et aux tributs royaux,
afin qu'en la revoyant^ i l puisse lui donner des
chefs, des princes et une bonne organisation.
Puis i l la renvoie sous la conduite de prudents
• (1)
Le mont Barkhar est désigné par Strabon (liv. XI,
ch. 14, § 5) et Pline (liv. V, ch. 27) sous le nom de
monts. Paryadres. Xénophon
(
Anabas.,
liv. I I I , ch. 6)
parle aussi de cette chaîne, mais sans donner son nom.
Indjidji,
Archéologie de VArménie,
t. I , p. 83. —
Le même,
Géogr. anc.,
p. 369.
(2)
Gogh ou Goghp, comme l'écrit également Moïse
de Khorêne (liv. I l , ch. 8, et liv. I I I , ch. 60), élait
un canton de
la
province de
Daïk. Ce
pays produisait
beaucoup de sel, et Héraclius en concéda la propriété à
Esdras, patriarche d'Arménie (628-640 de N. £.). — Cf.
Indjidji
(
Arm. anc,
p 372) qui assimile le canton de
Gogh
à
la
KwX'.xv),
Colice,
d'Etienne de Byzance. — Cf.
aussi Pline, liv. V I , ch. 5
Le Périple de Scylax,
Geogr. grxc. minores,
éd. Ch. Millier, t . I , p. 61.
45
inspecteurs de son choix. Ayant ainsi congédié
les hommes de l'occident, i l descend dans les
prairies verdoyantes, près des domaines de Schara,
que les anciens appelaient Pasène supérieure et
déboisée
(1).
Plus tard, et par suite de l'établisse–
ment dans ces lieux de la colonie de Veghentour
Boulgar
(2)
de Vount (3), le pays fut appelé de
(1)
La Pasène est un pays assez considérable traversé
par l'Araxe et qui faisait partie de la province d'Ararat.
I l est cité par les Grecs du moyen âge, notamment par
Constantin Porphyrogénète
(
De adm. imp.,
ch. 45), sous
le nom de Phaciane, et par Procope
(
De JEdif.,
1.
I I I ,
ch. 5), qui le nomme Vezani ou Bizane. Ce pays formait
une immense plaine ( Arisdaguès Lasdivertzi,
Hist.
d'Arm.,
p. 9, 13, 15
et passim),
mais qui contenait des
marécages et élait fort malsaine, ce qui empêcha Justi-
nien d'y élever des constructions (Procope,
de JEdif.,
loc. cit.).
Le nomde Phaciane, que Constantin Porphyro–
génète applique à ce pays, s'est conservé dans celui de
Pasin
que lui donnent les géographes musulmans. — La
Pasène déboisée, ou pays de Vanant, s'étendit à une cer–
taine époque jusque dans le pays de Kars, dont le
territoire fut appelé
Petite Vanant
(
St-Martin,
Mém.
sur l'Arm.,
1.1,
p. 107-108). — Cf. aussi Indjidji,
Géogr.
anc,
p. 380 et suiv.
(2)
C'est la première fois qu'il est question, dans l'his–
toire, des Bulgares, peuple de race finnoise, établi an
ciennement sur les bords du Volga ( Ethil). La géogra–
phie attribuée à Moïse de Khorêne place les Bulgares
dans la Sarmatie et les appelle Boulkh, nom qui parait
avoir été leur appellation véritable ( Saint-Martin,
Mém.
sur l'Arm.,
t . I I , p. 354-355). Dans le courant de la se–
conde moitié du cinquième siècle, les Bulgares, qui
avaient sans doute pris part aux entreprises des Huns,
s'étaient avancés en Europe jusqu'au Borysthène et au
Danube qu'ils ne tardèrent pas à franchir (Ennodius,
Panégyrique de Théodoric,
p. 296). Ils se fixèrent
plus tard
'
sur les rives méridionales de ce fleuve, et y
fondèrent un royaume qui fit plus d'une fois trembler
la puissance grecque. Toutefois i l paraît certain que,
lors de l'émigration des Bulgares au cinquième siècle ,
une partie assez notable d'entre eux resta dans leur an–
cienne patrie, où ils demeuraient encore au dixième
siècle, puisque les écrivains byzantins donnent à leur
pays le nom de Bulgarie noire, -/) u.aupyi BouXyapia. Cette
partie de la nation bulgare est souvent citée dans les
écrivains slaves et orientaux, et i l semble qu'elle était
plus considérable que celle qui avait émigré et était
venue se fixer sur le Danube. Les Bulgares orientaux ou
noirs occupaient en effet, au dixième siècle, tout le cours
du Volga depuis son embouchure dans la mer Caspienne
jusqu'à une assez grande distance dans l'intérieur de la
Russie. Ce fut Batou, fils de Gengis-Khan, qui mit fin
à leur puissance au treizième siècle. — Le grand fleuve
Ethil, 'AîàXtç de Théophane (p. 296-297), dont ils occu–
pèrent si longtemps les rives, avait pris d'eux son nom
de Volga, qu'il porte encore à présent.
(3)
Ventour Poulgar de Vent,
selon quelques msc.
Ce nom de
Vount
semble indiquer que la nation
bulgare devait sa formation à l'agglomération de plu–
sieurs peuples, et i l n'est pas impossible en effet de re–
connaître dans le nom de
Vount,
qu'une variante donne
sous la forme
Vent,
les
Vendes
ou
Antes
qui occu–
paient les rives du Pont-Euxin depuis le Dniester jus-
Fonds A.R.A.M