H I S T O I R E A N C I E N N E D E L ' A R M É N I E .
guerre épouvantable, s'empare de l'orient tout
entier, et chasse de Babylone les Macédoniens. I l
apprend que les Romains sont maîtres de l ' oc c i –
dent et de la mer , qu'ils ont enlevé aux Hispani
les mines d'où l'on tire l'or et l'argent, qu'ils
ont rendu tributaires les Galates et les royaumes
de l'Asie ; i l envoie des ambassadeurs et sollicite
une alliance en vertu de laquelle tout secours
•
sera refusé aux Macédoniens. I l ne consent point
à payer tribut aux Roma ins , mais i l leur donne
chaque année un présent de cent talents (kankar).
Arsace règne ainsi trente et un ans ; Ardaschès,
son fils, vingt-six ans. A celui-ci succède le fils
d'Ardaschès, Arsace ( i ) , surnommé le Gr and . Ce
dernier fait la guerre à Démétrius et à Antigone,
fils de Démétrius. Antigone vient fondre sur A r –
sace à Babylone avec une armée macédonienne
et l u i livre combat ; mais, fait prisonnier par A r –
sace , i l fut conduit en Parthie chargé de fers,
d'où lui vint le surnom de Sidéritès. Son frère,
Antiochus Sidétès, prévenu de la marche d 'Ar –
sace, vient occuper la Syrie. Arsace revient
contre lui avec cent vingt mille hommes
(2).
An –
tiochus , pressé par la rigueur de l'hiver, con–
traint de livrer bataille dans un étroit défilé,
périt avec toute son armée. Alors Arsace com–
mande en maître dans l a troisième partie du
monde, comme nous l'apprend le quatrième
livre des histoires véridiques (3) d'Hérodote, qui
traite de la division de l'univers en trois parties :
l'une appelée Eu r o p e , l'autre L i b y e , la troisième
Asie, sur laquelle domine ^r sace .
X X V I I I . ( CH. m . )
Valarsace est établi roi dans le pays des Armé–
niens.
E n ce temps-là, Arsace établit son frère V a -
de la ville que les Grecs avaient appelée Bactres et qui
était la capitale de la Bactriane. Les ruines de Bactres
ou Pahl ont été visitées par Burnes. Cette ville a été
rebâtie à quelque distance des ruines de l'ancienne cité
par les Afgans, et porte actuellement le nomde Balkh.
(1)
Ce prince est aussi appelé Arschagan.
(2)
Le texte arménien dit « douze myriades ».
(3)
Le mot arménien
iragan
qui signifie « exast »
est selon le père Indjidji une faute de transcription. I l
propose de restituer soit le mot
hiousisagan,
«
sep–
tentrional, » ou
ipéragan
, «
ibérique, » ou mieux « hy-
perboréen, » parce que Hérodote, dans son quatrième
livre, traite des Hyperboréens, après* quoi il parle de la
division du monde en trois parties, ce qui corrobore à
la fois le texte de notre auteur et donne raison à l'ex–
plication proposée par le père Indjidji dans son
Archéo–
logie de VArménie
43
larsace r o i de notre pays
( 1 ) ,
lui donnant pour
Etats le nord et l'occident. Valarsace, ainsi que
nous l'avons dit dans notre premier livre
( 2 ) ,
prince brave et vertueux, étendit bientôt son
empire. I l organisa autant qu'il put les institu–
tions civiles, créa des satrapies, à l a tête des–
quelles i l plaça des dynastes, personnages illus–
tres, de la race de notre ancêtre Haïg et des
autres chefs.
L e Parthe magnanime, ayant dompté les Ma –
cédoniens et mis fin à la guerre, donne un large
cours à sa bienfaisance. D'abord, i l songe à r e –
compenser les services du j u i f Schampa Pakarad,
homme puissant et sage; il lui confère, ainsi qu'à
ses descendants, le privilège de couronner les
Arsacides
(3).
I l accorde à sa race le droit de
s'appeler Bagratides ( Pakradouni ) , satrapie
considérable existant encore aujourd'hui en A r –
ménie
(4) .
Ce Pakarad s'était dévoué volontaire–
ment au service de Valarsace, avant l a guerre
d'Arsace contre les Macédoniens. 11 est créé aussi
[
chef] delà porte roya l e ; et, à l'extrémité du
royaume où se parle encore la langue armé–
nienne , (il est nommé) préfet et prince de dhze
mille hommes à l'occident
( 5 ) .
Mais retournons en arrière, et racontons la
guerre de Valarsace contre les habitants du Pont
(1)
Rapprochez cepassage de ce que dit Justin (liv. XL I ,
ch.
5),
en parlant d'Arsace, qu'il imposa Bacase, comme
roi à la Médie. Cédrénus nous apprend en effet qu'une
partie de l'Arménie supérieure portait le nom de Médie.
(2)
Cf. Moïse de Khorène, liv. I, ch.
8,
et plus haut.
(3)
Cf. plus haut, XV (liv. I , ch.
22),
et plus bas, XXXII
(
liv. I I , ch.
7).
—
La charge de
Thakatir,
«
qui pose la
couronne, » était la première dignité du royaume. Cette
dignité qui, on le voit, remonte à une époque très-an–
cienne , avait été empruntée par Valarsace à l'organisa–
tion de la cour des rois parthes dont il avait introduit
en Arménie le cérémonial, enmême temps que les ins–
titutions de cet empire. La charge de
Thakatir
ou de
Thakabah
(
conservateur de la couronne) était héré–
ditaire et se conserva dans la famille de Pakarad, tant
que dura la dynastie des Arsacides. Beaucoup plus tard,
les rois Roupéniens de la Cilicie la rétablirent en faveur
des Héthoumiens, seigneurs de Lampron. Une charte
française octroyée par Constantin, seigneur de.Lam–
pron, aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, en
1233,
traduit le mot
Thakatir
par «
Méteor
(
metteur
ou poseur)
de la couronne desErmines
(
Arméniens). »
Cf. notre
Carlulaire d'Arménie,
p.
140,
n? XVII. — Tou–
tefois la dignité de
Thakatir,
chez les Roupéniens, ne se
continua pas longtemps en faveur des seigneurs de Lam–
pron , et il paraît que les patriarches héritèrent de la
fonction de couronner les rois, car, à partir du règne de
Léon I I I , nous ne rencontrons plus dans l'histoire la
mention des
Thakatirs.
(4)
Cf. plus haut, XV ( l i v . I , ch.
22).
(5)
Cf. sur les Pakradouni Indjidji,
Archéologie de
l'Arménie,
t. II, p.
96-108.
Fonds A.R.A.M