filles •
H I S T O I R E A N C I E N N E D E L ' A R M É N I E .
,
avec de jeunes garçons et beaucoup d'au–
tres captifs, au nombre de plus de dix mille, fu–
rent établis dans le pays situé depuis l'orient de
la grande montagne (l'Ararat) jusqu'aux con–
trées de Koghten ( i ) , pays qui comprend Dam-
pad , Osguiogh,
(2),
Tajkouïnk
(3).
On leur con–
cède aussi, sur les rives du fleuve (Araxe), les
autres villages dont l'un est Vrandchounik
(4)
jusqu'en face du fort de Nakhdjavan
(5),
les trois
bourgs Kh r am, Dchougha
(6)
et Khochagou-
nik
(7)
;
de l'autre eôté du fleuve, toute la plaine
qui va d'Ajtanagban
(8)
jusqu'au même fort de
Nakhdjavan. Quant à la princesse Anouïsch, T i –
grane l'installe avec ses fils sur un vaste terri–
toire au pied des ruines de la grande montagne,
amenées, dit-on, par l'effet d'un horrible trem–
blement de terre
(9),
comme le racontent les voya–
geurs qui, par ordre de Ptolémée, mesurèrent non-
seulement le séjour des hommes , mais aussi en
partie la mer et les contrées désertes depuis la
zone torride jusqu'au pays des Ciromériens ( K i -
(1)
Le pays de Koghten était
à
l'est du canton de
Nakhdjavan, dans la province de Vasbouragan au nord,
de l'Araxe. C'est la contrée de
Coîthène
de Ptolémée
(
Géogr.
,
liv. V, ch. 13).
Cf. sur ce pays Indjidji,
Géogr.
anc,
p. 212, et St-Martin,
Mémoires sur l'Àrm.,
1.1,
p. 237 et suiv.
(2)
Ou
Osgui-gogh,
c'est
-
à
-
dire : « le côté doré ».
(3)
Tikouïnk,
donné par une variante, signifie : « pâle,
décoloré ».
(4)
Vendchounik
,
selon un msc. — Cette localité est
aussi mentionnée par Assoghig, I I , 3.
Cf. Indjidji,
Géogr., anc.
p. 538.
(5)
Ville et canton du Vasbouragan, dont le noms'est
conservé jusqu
'
à
aujourd'hui presque sans altération.
Ptolémée l'appelle
ISaxuana
(
liv. V, ch. 13).
Cf.
Indjidji,
Géogr. anc,
p. 217.
Le même,
Géogr. mod.,
p. 266.
L. Alischan,
Géogr. de l'Àrm.,
p. 80.
St-
Martin,
Mém. sur l'Arm.,
1.1,
p. 131 et suiv.
(6)
St-Martin,
Mém. sur l'Arm., t.
I , p. 135.
(7)
Indjidji,
Géogr. anc,
p. 523.
(8)
Quelques manuscrits séparent
Ajtàn-agan,
en
deux mots; cela voudrait dire alors : « le fossé d'Ajtan. »
(9)
Les tremblements de terre qui ont
à
plusieurs re–
prises bouleversé les plaines situées
à
la base de l'Ararat,
étaient plus fréquents dans l'antiquité qu
'
à
l'époque mo–
derne. Toutefois, la dernière catastrophe de ce genre
qui se fit sentir le 20 juin de l'année 1840, et qui a en–
glouti le village d'Arkhouri, rappelle tout
à
fait l'hor–
rible tremblement de terre dont parle Moïse de Khorêne.
M. de Gille (
Lettres sur le Caucase,
p. 307) raconte les
détails de ce désastre qu'il tenait de la bouche même
d'un vieillard, seul survivant de ce cataclysme qui en–
gloutit 500 maisons : « La nuit, un grand bruit se fit
entendre; la terre trembla sous moi; tout effrayé, son–
geant aux miens,
je
descendais de la montagne. Lorsque
j
'
arrivai le matin
,
où au milieu de la vallée s'élevait
le village habité par mes fils et leurs familles, je ne vis
plus que des roches entassées. Sous ces roches étaient
ensevelis mes enfants, et je demeurai seul au monde,
où je vis encore ! »
39
miouron)
( 1 ) .
Tigrane donne à Anouïsch des ser–
viteurs pris parmi ces mêmes Mèdes établis au pied
de la montagne.
Ceci est confirmé par les chants métriques
(2)
que conservèrent avec passion, comme je l'ai
appris, les habitants du Koghten , canton fertile
en v i n , dans lesquels sont mentionnés Ardàs-
chès
(3)
et ses fils, et d'une manière allégorique
les descendants d'Astyage, sous le nom de des–
cendants du dragon, car Ajtahag, dans notre
idiome, veut dire « dragon »
(4).
On dit encore
qu'Arkavan
(5)
donna un festin en l'honneur
d'Ardaschès, et lui dressa des embûches dans le
temple'des dragons. Ardavazt
( 6 ) ,
le vaillant fils
d'Ardaschès, ne trouvant pas d'emplacement
convenable pour un palais, lors de la fondation
d'Artaxata (Ardaschad)
( 7 ) ,
alla bâtir chez les
Mèdes Maraguerd
(8)
,
située dans la plaine ap–
pelée Scharoura. L a princesse Satinig
(9)
,
dit—
(1)
Unmanuscrit donne la variante
Kimernos.
(2)
Les mots
erkkh thovéliatz
présentent une assez
grande obscurité; selon M. Émin (
Vebk
p. 19), ce
nom de chants métriques était attribué à un genre spé–
cial de poëmes dans lequel les auteurs s'astreignaient
à conserver l'ordre chronologique. Les Mékhitaristes ,
dans leur édition italienne de
l'Histoire de Moïse de
Khorêne
(
p. 82, note 2), supposent que ces poésies
étaient rimées et en vers, et en effet le mot
tiv
signifie
«
nombre et mètre ». Au surplus les
erkkh thovéliatz
sont une de ces expressions fort difficiles à rendre, puis–
que nous manquons complètement de données précises
sur l'ancienne métrique arménienne, antérieure à l'in–
troduction du christianisme.
(3)
I l est question ici d'Ardaschès I I , fils de Sanadroug,
le onzième des Arsacides d'Arménie (88 à 129 de J.-C),
en l'honneur duquel les poètes composèrent des vers,
comme le dit Moïse de Khorêne ( liv. I I , ch. 48).
(4)
Cf. plus haut
XVII
,
et note 1, p. 35.
(5)
Le même personnage est mentionné de nouveau
dans l'histoire de Moïse de Khorêne (liv. I I , ch. 41), qui
dit de lui : « Cet Arkam est celui que dans la fable on
nomme Arkavan. » — Cf. encore Moïse de Khorêne, liv.
I I , ch. 47-51.
(6)
Ardavazt ou Artabase I I , dont parle longuement
Moïse de Khorêne
(
Hist. d'Arménie,
liv. I I , ch. 61). Cet
historien cite même quelques-unes des fables qui cou–
raient sur le compte de ce prince.
(7)
Ville de la province d'Ararat, sur le territoire de
Tovin, au confluent de l'Araxe et du Medzamor, fondée
d'après l'avis d'Annibal par Artaxias, gouverneur de
l'Arménie pour les Séleucides, et puis ensuite roi de ce
pays ( Strabon, liv. X I , ch. 14» § 15.
Plutarque,
Lu-
cullus).
Cf. aussi Indjidji,
Géogr. anc,
p. 485. —
Saint-Martin,
Mém. sur l'Arm.,
1.1,
p. 117 et suiv.
(8)
C'est-à-dire « la ville desMèdes », car le nom des
Mèdes est toujours rendu par
Mar
chez les auteuts ar–
méniens.
(9)
Satinig, femme d'Ardaschès, fut chantée aussi par
les bardes arméniens dans des poésies dont Moïse de
Khorêne nous a conservé un fragment à la suite de l'his»
Fonds A.R.A.M